Bienvenue

Ouvrez vous à l’espérance vous qui entrez dans ce blog !

Et ne vous croyez pas obligés d’être aussi puissants et percutants que Dante. Si vous avez eu plaisir à lire les lignes qui suivent et s’il vous est arrivé de passer d’agréables moments à vous remémorer des souvenirs personnels heureux de votre vie en Tunisie ; si vous éprouvez l’envie de les partager avec des amis plus ou moins proches, adressez les -- sous une forme écrite mais la voix sera peut-être bientôt aussi exploitable -- à l’adresse : jean.belaisch@wanadoo.fr et vous aurez au moins le contentement d’être lus à travers le monde grâce à l’internet et à ses tentacules.

Vous aurez peut-être aussi davantage c'est à dire que d’autres personnes, le plus souvent des amis qui ont vécu les mêmes moments viendront rapporter d’autres aspects de ces moments heureux et parfois corriger des défaillances de votre mémoire qui vous avaient fait prendre pour vérité ce qui était invention de votre cerveau émotionnel.

Ne soyez pas modestes, tout rappel peut être enrichissant, n’hésitez pas à utiliser votre propre vocabulaire, à manier l’humour ou le sérieux, les signes de richesse (y compris intellectuelle) ou les preuves de la pauvreté (y compris d’un moral oscillant). Vous avez toute liberté d’écrire à la condition que vous fassiez preuve de responsabilité puisque d’une façon ou d’une autre nous représentons tous un groupe de personnes qui a aimé la Tunisie et qui a pour d’innombrables raisons, choisi de vivre sur une autre terre.

Bienvenue donc et écrivez dès que vous en sentirez l’envie.


Un des responsables de ce qui pourrait aussi devenir un livre, si vous en éprouvez le désir !

REMARQUE : Les articles sont rangés par années et par mois .

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vendredi 23 janvier 2009

Le Grand Sud

Un souvenir de Roger MACCHI

Je me souviens, je devais avoir seize ans, je lisais L’ATLANTIDE de Pierre Benoît. C’était un appel au rêve, et je rêvais d’une oasis perdue au milieu d’une mer de sable. J’étais, moi aussi, amoureux d’ANTINEA.
C’étaient les vacances d’été. Sans grandes difficultés, j’ai convaincu mon père de me laisser partir quelques jours pour le sud.
Dès le lendemain matin, sac au dos, je me suis planté sur l’esplanade face au collège technique, départ des cars et des voitures de louage.
Dans mon impatience d’aventure, j’ai décidé de prendre une voiture collective jusqu’à Gabes. Une traction avant était là, avec un panneau « GABES » sur le toit. Je me suis installé sur la banquette arrière où déjà un homme en burnous était assis. Une troisième personne est arrivée, puis une quatrième. Chouette, nous allons partir ! Mais une demi-heure passe, rien. J’ai questionné le chauffeur.
__ Voilà ! Voilà ! On part, tot’ suite.
Ma-t-il répondu !
Le temps passe encore, le soleil commence à chauffer l’intérieur de la voiture, nous ne bougeons toujours pas ! À l’exception de l’homme en burnous qui dort, nous commençons à nous impatienter, et à interpeller le chauffeur qui, debout contre la portière, reste impassible et répond invariablement :
__ Voilà ! Voilà ! Tot’ suite, on part !
Soudain, le conducteur fait des signes, de loin on voit arriver à grandes enjambées un homme en djellaba blanche, portant deux énormes cartons. Palabre… puis il ficelle les cartons sur le toit. On se serre dans l’habitacle. Et enfin on démarre !
Deux heures plus tard, arrivée à GABES il est midi.
Sur la grande place, on m’informe qu’à quatorze heures un car part pour KEBILI et TOZEUR.
KEBILI me convient, puisque j’ai décidé d’aller à DOUZ.
Le car, est un vieux Citroën tôlé au nez allongé.
Sur le toit, s’entassent, valises, cartons, bidons, sacs de grains, et même une cage avec des poules !
Je me suis installé là où il y avait de la place, sur la banquette du fond, entre une jeune bédouine, très belle, et une grappe de gamins morveux. Un essaim de mouches vole bruyamment autour de nous, et les plus hardies se collent au coin des lèvres et des yeux cacateux des gamins !
J’ai souri bêtement à la bédouine, qui a fait mine de ne pas me voir. Puis le car a démarré, pétaradant, et secouant tout le monde à l’intérieur, un poulet s’est échappé des mains de son propriétaire, vite rattrapé par le voisin, tandis qu’une chevrette sur les genoux du passager devant moi s’agite et bêle de désarroi.
La route est une immense plaine calcinée. Je suis en nage, Le vent chaud entre par les fenêtres ouvertes, et rend la respiration haletante.
Après de nombreux arrêts, pendant lesquels les petits marchands d’eau ont fait des fortunes ! Nous voici enfin à KEBILI.
Je ne me suis pas attardé dans la vieille ville Berbère, coincée entre la palmeraie et la dune. De suite j’ai pris à pied la route de DOUZ, à environ vingt huit kilomètres.
J’ai marché dans la fournaise, sous un ciel en flamme. La sueur gouttait sur mon front, ma chemise collait à la peau, mes poumons et ma gorge étaient en feu. Tout autour, un paysage désespérément minéral et silencieux. Pas un brin d’herbe. Au loin une chaîne de montagne semblait flotter dans la brume de chaleur qui écrasait tout. C’était beau et cruel à la fois.
Dans mon inconscience, je n’avais avec moi qu’une malheureuse gourde d’eau, et elle était vide depuis longtemps ! ça faisait bientôt deux heures que je marchais, mon pas commençait à ralentir, mes yeux papillotaient et ma tête brûlait.
Quand soudain, j’ai entendu un bruit derrière moi… C’était une charrette tirée par un âne, un couple était installé sur le plateau. Arrivé à ma hauteur, l’homme arrête sa bête, et il me lance :
__ Inti mahboul ! … Mejnoun !
Et pour bien appuyer ses dires, il tape son index contre sa tempe.
Il voulait dire que j’étais fou de marcher ainsi sous le soleil torride et sans chapeau !
Il m’a invité à monter à l’arrière. Je ne me suis pas fait prier !
Il a poussé vers moi la guerba qu’il avait près de lui. J’ai bu goulûment l’eau saumâtre pour apaiser ma gorge en feu. Il a mis sur sa tête un foulard et m’a donné son chapeau de paille.
Ainsi, deux heures plus tard, il m’a déposé dans le village. Lui, continue sur ZAAFRANE, où il me convie à aller le visiter. Il s’appelle Moktar, sa femme Fathma.
Après cette route étouffante dans un paysage calciné, quel bonheur que d’atteindre une oasis.
Miracle de l’eau. Dès que l’eau coule à l’ombre des palmiers, tout pousse. L’oasis ressemble à une île cernée par l’océan du désert. Je me suis senti comme le nomade, heureux de faire escale dans un jardin, après avoir traversé les dunes du grand erg, retrouver une nature accueillante, colorée, nourrissante.
Reposer le regard et l’âme.
Le soir allongeait l’ombre des palmiers. Je me suis restauré d’un ragoût de chameau dans une gargote, et je suis reparti. Je voulais passer ma première nuit dans le désert !
Je me suis éloigné du village, j’ai grimpé sur la dune. Le beau sable blond avec ses arrondis et ses volumes glissait doucement sous mes pieds. Là-haut, un léger vent faisait courir se sable en vagues qui se font et se défont au loin toujours et encore, découvrant par endroits le faîte de quelques palmiers ensablés.
Avec la nuit qui tombait, tout devenait calme, est les distances insondables. Sous la voûte d’un ciel infini, toute impatience était dérisoire, je me sentais en paix.
Je me suis abrité sous un bouquet de palmiers après avoir vérifié que quelques vipères ou scorpions n’y étaient pas logés ! Je me suis enroulé dans ma couverture et j’ai regardé les étoiles s’allumer. Je suis resté ainsi à écouter le silence, à regarder le ciel. La dune était luisante de lumière de lune, le paysage grand d’un espace infiniment vide.
Puis je me suis endormi.
Quand je me suis réveillé, la lumière était blonde, elle baignait les palmiers et les étoiles étaient éteintes.
Je suis retourné au village.
Sur le chemin j’ai croisé un gamin avec trois chèvres. Il m’a tendu un verre de lait chaud, je lui ai donné des biscuits et des figues sèches. Puis nous avons continué chacun notre route.
C’était jeudi, jour de marché. Je me suis promené sous les arcades, j’ai regardé se négocier les cloches de sucre, les verres à thé et le thé vert, les épices, les étoffes et les outils. Tout ce dont un nomade peut avoir besoin.
J’ai acheté des allumettes et des bougies.
Puis derrière la palmeraie, j’ai assisté aux palabres entre les éleveurs de chèvres, de moutons, de dromadaires, et ces hommes aux visages burinés et à l’allure noble et fière.
Ensuite je suis parti. Plus au sud, vers Zaafrane à douze kilomètres.
La piste était recouverte de sable. Quand je suis arrivé, j’ai vu des murs engloutis par ce sable ; Des femmes balayant sans cesse devant leur gourbi ; j’ai eu l’impression d’un village fantôme, d’un village de vent !
Fathma se trouvait devant sa porte un balai à la main. Elle m’a interpellé :
__ Ya oueldi, ija ouni ! - Viens ici, mon fils !
Je me suis approché, Moktar est sorti de la maison, et il m’a invité à boire le thé. Je lui ai offert les allumettes et les bougies.
À midi nous avons partagé le pain taboun, l’huile et les olives. Il m’a offert des dattes. Et il m’a dit :
__ Remercie Dieu chaque jour de ce qu’il te donne.
Je lui ai dit que L’eau de sa gargoulette était fraîche et douce. Et il m’a répondu :
__ Demande le lait à ta chamelle.
Un fils à ta femme.
Mais, c’est à Dieu seul, que tu demandes l’eau.

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