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Ouvrez vous à l’espérance vous qui entrez dans ce blog !

Et ne vous croyez pas obligés d’être aussi puissants et percutants que Dante. Si vous avez eu plaisir à lire les lignes qui suivent et s’il vous est arrivé de passer d’agréables moments à vous remémorer des souvenirs personnels heureux de votre vie en Tunisie ; si vous éprouvez l’envie de les partager avec des amis plus ou moins proches, adressez les -- sous une forme écrite mais la voix sera peut-être bientôt aussi exploitable -- à l’adresse : jean.belaisch@wanadoo.fr et vous aurez au moins le contentement d’être lus à travers le monde grâce à l’internet et à ses tentacules.

Vous aurez peut-être aussi davantage c'est à dire que d’autres personnes, le plus souvent des amis qui ont vécu les mêmes moments viendront rapporter d’autres aspects de ces moments heureux et parfois corriger des défaillances de votre mémoire qui vous avaient fait prendre pour vérité ce qui était invention de votre cerveau émotionnel.

Ne soyez pas modestes, tout rappel peut être enrichissant, n’hésitez pas à utiliser votre propre vocabulaire, à manier l’humour ou le sérieux, les signes de richesse (y compris intellectuelle) ou les preuves de la pauvreté (y compris d’un moral oscillant). Vous avez toute liberté d’écrire à la condition que vous fassiez preuve de responsabilité puisque d’une façon ou d’une autre nous représentons tous un groupe de personnes qui a aimé la Tunisie et qui a pour d’innombrables raisons, choisi de vivre sur une autre terre.

Bienvenue donc et écrivez dès que vous en sentirez l’envie.


Un des responsables de ce qui pourrait aussi devenir un livre, si vous en éprouvez le désir !

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mardi 20 janvier 2009

LE BONHEUR D’AVOIR VÉCU EN TUNISIE

Anne-Marie VAN PRAAG

Je suis née en Tunisie , j’y ai grandi , j’ai eu une enfance protégèe ,comme la plupart des enfants là- bas ,du moins je le crois , et cela , bien que je sois venue au monde à un moment très particlier de l’histoire , juste avant la guerre de 40
.Etre née en Afrique ... du Nord... au Magrheb...en Tunisie , ce pays exotique qui fait tout de suite penser aux palmiers aux petits ânes aux figuiers de barbarie ,au soleil ,à la mer, cela parle à l’imgination,c’est enchanteur ...
Pourtant la guerre nous a rattrapés peu après qu’elle eut éclaté en Europe et mes premières années m’ont confrontée à la réalité de combats ,certes moins violents que sur le continent européen ,et à l’occupation allemande.
Les bombardements n’ont pas épargné nos rivages bénis non plus que l’obligation de se protéger dans les tranchées ou dans les caves à la moindre alerte . On nous avait à tous offert un jouet ravissant et très seyant : le masque à gaz , qui nous transformait en animaux préhistoriques ridicules mais nous divertissait prodigieusement . Autre particularité, nous étions Italiens ,donc étrangers et considérés comme ennemis par les résidents français qui n’appréciaient pas d’êre arrosés de leurs projectiles Le fait de nous réfugier dans les tranchées pendant les alertes nous exposait à des situations des plus cocasses , car bien que petite ,j’étais extrèmement bavarde , et comme je ne connaissais pas d’autre langage courant que notre belle langue, lorsque nous étions dans les abris, visés par les bombes italiennes , on était forcé d’étouffer mes commentaires en me mettant la main devant la bouche pour éviter les réactions sauvages des voisins qui menaçaient d’étrangler tous ces macaronis s’ils leur tombaient sous la main .
Voila mes premiers souvenirs de mon entrée dans le monde .
Cela n’était pas particulièrement joyeux mais on essayait d’ en rire .
Bilada ...Bilada ... disait ,un de nos chers cousins quand la maison tremblait ! Cela signifie en arabe c’est la fête ...c’est la fête !
Et l’un des premiers refrains que j’ai appris après Au clair de la lune ,c’est Tout va très bien Madame la Marquise ...

Evidemment , assez rapidement , dans cette atmosphère plus que mouvementée , la famille prit la décision de déménager dans des endroits plus calmes .
Ce fut d’abord ,au Consulat Anglais ,chez des parents qui habitaient une grande villa arabe au milieu d’un parc , située au dessus d’un cimetière romain antique , ce qui nous faisait frémir de peur bien qu’aucun fantome n’eût été repéré jusqu’à ce jour .
Je dois dire que malgré les évènements tragiques qui nous avaient amenés là ,je ne me suis jamais autant amusée dans ma vie que pendant cette période .Avec les autres jeunes cousins qui nous avaient très vite rejoints dans ce refuge idyllique ,la vieille tante qui nous racontait des histoires ,la vieille bonne qui faisait des rêves prémonitoires et les adultes qui faisaient tourner les tables pour communiquer avec les esprits , cet épisode de la guerre s’est déroulé sans trop de dommages .Ce ne fut pas toujours aussi drôle,hélas...
.Mais les cauchemars ont une fin, et un autre grand moment de ma vie , ce fut l’annonce de la fin de la guerre ,en Afrique . Ce fut un instant inoubliable : j’étais sur le pas de la porte de la maison à Marsa ville avec ma mère pour regarder passer les soldats allemands courant en débandade, lorsque l’un d’eux a crié dans notre direction :” guerre finish ,Madame, Américan Tunis “. Ce fut un délire de bonheur , qui survivra à jamais , intact dans mon coeur que j’ai voulu immédiatement partager avec ma cousine ,avec le monde entier...Je sautais de joie pendant des jours .La guerre ,pourtant continuait à faire rage en Europe , mais nous en étions libérés .
Ainsi ,nous l’avions échappée belle et cela c’était la grande chance d’être nés sous le ciel africain !
Je garde une reconnaissance émue à notre ancêtre qui charmé par cette terre accueillante décida de s’y installer avec siens.
Après l’occupation allemande qui somme toute n’a duré que six mois , ce qui nous a évité le désastre,ce fut la présence anglaise .
Evidemment ,le soulagement était immense .Nous nous sentions protégés ; et cela d’autant plus que ma grand- mère nourissait une admiration sans bornes à l ‘ égard de la lointaine Angleterre parce qu’ une partie de sa famille y avait pris racine et ce pays lui apparaissait comme un miracle permanent
. Donc je me sentais très à l’aise avec les soldats anglais qui distribuaient des bonbons aux enfants .Et qui d’entre nous ne se souvient avec délice du gout fruité légèrement acidulé des “Life Savers “ , de ces petits bonbons ronds et plats comme des petites bouées et de toutes les couleurs ? Pensez à ce pouvait être le gout des premières friandises après tant d’années de privations Je peux même dire d’ignorance du goût des friandises! A cette occasion je me suis fait un copain parmi les soldats ,j’en étais très fière ,car j’ai du être plutôt mignonne assise sur les marches de la villa de Marsa- ville attentive à observer le monde ,le sujet idéal à qui donner des bonbons pour un militaire . Il repassait régulièrement devant la maison et je le trouvais vraiment sympathique ! Malheureusement assez vite je me le suis fait presque piquer par ma soeur qui sous le prétexte de surveiller louablement mes faits et gestes n’a pas tardé à attirer son attention du haut de ses 20 ans . Et moi de mon coté j’étais davantage intérressée par des garçons plus jeunes .
Mais enfin ,nous avons vécu après ces années d’angoisse ,une période d’euphorie délicieuse
.
Quel bonheur d’être nés en Tunisie
. . .

La guerre était finie . Nous avions à réapprendre à vivre normalement. D’abord avec les gens.La Tunisie était une mosaïque de populations ,le français était la langue de communication la plus utilisée , cependant chaque groupe continuait à parler sa langue d’origine ,les tunisiens , les russes ,les siciliens ,les sardes possèdaient une langue ou un dialecte qui d’ailleurs dans la vie courante s’ empruntaient mutuellement des termes .. et on aboutissait à un patois local très coloré .Ma cousine me transmit une conversation entre gens de maison “tu sais ce que signifie : Sa méré enaudi za faguéré zu cuzcuzu ... ça veut dire : madame a dit de préparer le couscous ! La zibola était un terme italo arabe pour désigner un objet charmant : la poubelle ! nous avions tout à apprendre . On baignait à Tunis dans une atmosphère très cosmopolite et,bien que vivant dans la ville européenne ,on se sentait à un carrefour de l’orient . Malheureusement assez coupés de la population tunisienne ,en tous cas pour ma part, exception faite des juifs tunisiens .
J’ai connu plus de tunisiens pendant trois jours en 1995 lors d’un voyage d’artistes nés en Tunisie pour une exposition à Carthage que pendant les treize premières années de ma vie passées dans ce pays . La Tunisie était un protectorat français , situé à l’est du Magrheb ,le point de rencontre d’un grand nombre de civilisations, de groupes humains ayant conservé chacun leurs traditions ,leur mode de vie , leurs valeurs , leur religion , qui vivaient en harmonie ,tout en communiquant assez peu entre eux . Chacun entretenait ses différences tout en acceptant celles des autres .Le soleil ,la douceur du climat , une philosophie de la vie un esprit de tolérance , un sens de l’humour profond dictaient un art de vivre bien particulier .

C’est dans ce contexte qu’ il s’est agi de s’adapter à une vie nouvelle ,retrouver nos maisons pour ceux qui étaient partis , une école nouvelle
. Fini le camping dans des villas étrangères fini les cours dans des installations de fortune ! Nous retrouvions notre ville, découvrions les itinéraires vers le lycée, vers les maisons amies , les belles boutiques , les marchands de glaces de ,brioches ,de chocolats . Cela n’est pas la peine de s’appeler Proust pour se rémèmorer avec émotion le goût des glaces à la fraise de chez Bébert , le fondant des dattes farcies de chez les nègres , les éffluves émanant de la boulangerie Panalex ...Le moêlleux des beignets au miel du marchand de ftaïrs dans sa belle petite échoppe , avec cette différence que ces saveurs et ces parfums nous n’avons jamais pu les retrouver ailleurs .
Nous étions jeunes , et toutes ces sensations s’imprimaient d’autant plus fortement dans notre mémoire .
La lumière était aussi une chose unique qui a impressioné notre première vision du monde,la lumière jouant sur les carreaux de Nabeul , la lumière rare dans les cours des maisons ,ce qui la rendait plus précieuse ,ou celle éclatante sur les terrasses où séchait le linge et sur les façades des immeubles . Elle était là ,la plus grande partie de l’année ,elle nous réchauffait et nous donnait confiance dans la vie .
Les bruits , aussi étaient particuliers , le bruit tremblotant du tram avec ses banquettes en bois, celui des voitures à chevaux cahotant sur les pavés , que nous utilisions couremment comme moyen de transport ne peuvent plus jamais être dans les grandes métropoles ce qu’ils étaient ,et pour cause .
Retrouver les plages qui avaient été délaissées à cause des risques de bombardements aériens était à nouveau possible . Les plages écrasées de soleil ,le fief de quelques familles qui les avaient découvertes dès le début du 19 ème siècle comme en témoigne une photo “la spiaggia ridente della Marsa ,”c’est à dire totalement déserte ,(on a du mal à se l’imaginer ),étaient vers 1940 occupée par trois parasols dont le notre . Elle n’avait rien d’extraordinaire cette plage ,mais c’était la notre ,la mer était très salée elle collait à la peau et aux vètements ,on y nageait ,on y pêchait ,on s’y retrouvait ,on s’y amusait pendant les mois d’été ,le soir on s’attardait sur la petite place du saf saf , typique avec sa noria ,ses cafés ; on dansait dans les endroits à la mode, dans une atmosphère de douce sensualité excitée par les couleurs , par les senteurs enivrantes de la nuit : la douceur orientale .
C’était notre Méditerrannée . Elle avait été sillonnée par des marins par des commerçants depuis des millénaires elle avait connu les combats des aventuriers , des pirates ...les tempêtes . Elle était davantage un lien entre les peuples qu’un obstacle . Elle était à nous .
Quel Dieu favorable a béni ces lieux ayant été pourtant le théatre de sanglants combats ,pour attirer les civilisations successives qui y ont laissé leurs marques inaltérables :antiquité ,islam , modernité . Afin d’alimenter nos rêves .et transmettre un art de vivre emprunt de douceur et de nonchalance !
C’est à Carthage que l’antiquité était la plus accessible , la plus proche ,passionante déjà pour nos parents et grands parents que l’on peut voir sur une photo datant de 1906 ,chaussés de solides bottines armés de jumelles prêts pour une expédition.
Plus tard , j’ai découvert le site de Tuburbo majus près d’Hammamet , et eu le plaisir de savourer presque seule les traces du passé sur ces lieux quasiment déserts . Longtemps j’ai cru à l’existance des dieux de l’Olympe , et peut -être encore un peu maintenant ... et je suis convaincue que lorsque chacun de nous viendra à disparaitre ,il rejoindra le pan théon de son choix .
Peu avant de quitter définitivement la Tunisie , j’étais à Milan avec mon père et là j’ai pu voir avant qu’on ne le donne chez nous ,le film “Autant en emporte le vent”... Je ne me doutais pas que les belles années que j’étais en train de vivre seraient elles aussi bientôt” Gone with the wind”.
Lorsqu’il m’arrive aujourd’hui de rencontrer un “Tun”, qu’il soit d’origine russe,italienne ou autre c’est avec un grand naturel que nous nous mettons à parler avec l’accent de là- bas ,le parler de là -bas ,émaillé de termes siciliens ou arabes et de sentir renaitre le charme de ce passé lointain .

Quel bonheur d’être nés en Tunisie .
Ronquerolles le 19/10/08

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