vendredi 23 janvier 2009
POÈMES
Lionel LEVY
SOUVENIRS
Les souvenirs viennent en sarabandes
Comme sève en avril sous les bois morts
Ils nous trouvent surpris d’avoir un corps
Ils ont parfum d’orange et goût d’amande
Est-ce vrai ce matin qu’ils nous les rendent
Ces goûts et ces parfums ces désirs forts
Et si nos soifs d’antan n’étaient encor
Qu’au fond d’un vieux buffet grains de lavande
Rêves espoirs faims et vœux infinis
Est-ce déclin sagesse qui vous nie
Ou cet espoir de plus ou moins de vie
Et tous ces morts aimés bonheurs ternis
Rires éteints et fleurs fanées jeunesse
Est-ce blessure encore ou bien caresse
TUNIS
RUE D’ANGLETERRE
Un charrois d’arabats monte vers la fenêtre
Décorés de clameurs musicales. Et puis
Des senteurs de crottins de mulets. Aujourd’hui
Les platanes en fleurs sont ceux qui m’ont vu naître,
Portant leur ombre large qui les fait paraître
Vrais, comme détachés des années qui m’ont fui.
La foule bigarrée, l’anisette et le bruit,
Le bain d’humanité, l’exil et le mal être,
L’Orient de la vie qui n’est pas Delacroix
Mais qui vous prend au cœur, à l’odeur, à l’oreille,
Les pois chiches grillés, la chaleur et le froid
Des hivers pluvieux où le bonheur sommeille,
Trahi de soleil et de vie. Qui me rendra
Mon Afrique d’enfance et la froideur des draps ?
LES BOUGAINVILLÉES
Sur la blanche fraîcheur légère des hauts murs,
Soulignant au ciel clair leurs torsades vrillées,
Amarante, d’insolentes bougainvillées
Se gorgent, éclatant de lumière et d’azur.
Amarante, blanc, bleu, un drapeau ? Un ciel pur
Où rien ne flotte au vent. Ni réveil ni veillée
N’altèrent leur ennui de splendeur dépouillée,
Ni leur joie froide et vive insensible au futur.
Blanc, ce pudique deuil des chastes cimetières,
De la coupole ombrée où dort le marabout.
Tant de beauté ! Existe-t-il une misère,
Des cœurs humiliés ou broyés, des dégoûts ?
Impassible décor, alchimie assagie,
Trompe-l’œil qui n’égare pas ma nostalgie.
JEUNES FILLES EN FLEURS
Déchirure, fraîcheur, rêves, jardins secrets,
Présence de l’absence et chaleur des regrets,
Parfum du souvenir, tendresse, violence,
Vivants marchés aux fleurs des rues de notre enfance,
Que vos rires sont clairs, que ma jeunesse est près,
Jeunes filles en fleur, sous vos feuillages frais,
Quand nous ne savions pas même l’insouciance,
Le long de l’Avenue, vers la Porte de France.
Images d’un passé fuyant mais actuel,
Amour que nos pudeurs habillaient d’ironie,
Je ne crains ni la mort ni l’oubli, je les nie,
Et je recueille en moi votre vie, votre sel,
L’une brune et légère, et l’autre blonde et fine,
Mon Aline, ma sœur et Nelly, ma cousine.
1992
LE SAGE DE SIDI-BOU-SAÏD
Sur la marche chaulée de l’escalier du phare
L’aveugle noir attend, sa blanche djellabah
Et le large turban prêtant au regard las
Et digne l’expression d’une majesté rare.
D’aussi loin qu’il le voit le passant se prépare
Au rite de l’aumône et ralentit son pas,
Ils se saluent d’abord, puis conversent tout bas,
Chacun bénissant l’autre avant qu’il s’en sépare.
Le promeneur explique à son petit garçon
Ce qu’est la sainteté de l’humaine sagesse
Et pendant que le vent du golfe les caresse
Cet enfant que j’étais écoute la leçon
Et du haut du chemin la mer et ce visage
Ont mêlé leur lumière en un même héritage.
SOUVENIRS
Les souvenirs viennent en sarabandes
Comme sève en avril sous les bois morts
Ils nous trouvent surpris d’avoir un corps
Ils ont parfum d’orange et goût d’amande
Est-ce vrai ce matin qu’ils nous les rendent
Ces goûts et ces parfums ces désirs forts
Et si nos soifs d’antan n’étaient encor
Qu’au fond d’un vieux buffet grains de lavande
Rêves espoirs faims et vœux infinis
Est-ce déclin sagesse qui vous nie
Ou cet espoir de plus ou moins de vie
Et tous ces morts aimés bonheurs ternis
Rires éteints et fleurs fanées jeunesse
Est-ce blessure encore ou bien caresse
TUNIS
RUE D’ANGLETERRE
Un charrois d’arabats monte vers la fenêtre
Décorés de clameurs musicales. Et puis
Des senteurs de crottins de mulets. Aujourd’hui
Les platanes en fleurs sont ceux qui m’ont vu naître,
Portant leur ombre large qui les fait paraître
Vrais, comme détachés des années qui m’ont fui.
La foule bigarrée, l’anisette et le bruit,
Le bain d’humanité, l’exil et le mal être,
L’Orient de la vie qui n’est pas Delacroix
Mais qui vous prend au cœur, à l’odeur, à l’oreille,
Les pois chiches grillés, la chaleur et le froid
Des hivers pluvieux où le bonheur sommeille,
Trahi de soleil et de vie. Qui me rendra
Mon Afrique d’enfance et la froideur des draps ?
LES BOUGAINVILLÉES
Sur la blanche fraîcheur légère des hauts murs,
Soulignant au ciel clair leurs torsades vrillées,
Amarante, d’insolentes bougainvillées
Se gorgent, éclatant de lumière et d’azur.
Amarante, blanc, bleu, un drapeau ? Un ciel pur
Où rien ne flotte au vent. Ni réveil ni veillée
N’altèrent leur ennui de splendeur dépouillée,
Ni leur joie froide et vive insensible au futur.
Blanc, ce pudique deuil des chastes cimetières,
De la coupole ombrée où dort le marabout.
Tant de beauté ! Existe-t-il une misère,
Des cœurs humiliés ou broyés, des dégoûts ?
Impassible décor, alchimie assagie,
Trompe-l’œil qui n’égare pas ma nostalgie.
JEUNES FILLES EN FLEURS
Déchirure, fraîcheur, rêves, jardins secrets,
Présence de l’absence et chaleur des regrets,
Parfum du souvenir, tendresse, violence,
Vivants marchés aux fleurs des rues de notre enfance,
Que vos rires sont clairs, que ma jeunesse est près,
Jeunes filles en fleur, sous vos feuillages frais,
Quand nous ne savions pas même l’insouciance,
Le long de l’Avenue, vers la Porte de France.
Images d’un passé fuyant mais actuel,
Amour que nos pudeurs habillaient d’ironie,
Je ne crains ni la mort ni l’oubli, je les nie,
Et je recueille en moi votre vie, votre sel,
L’une brune et légère, et l’autre blonde et fine,
Mon Aline, ma sœur et Nelly, ma cousine.
1992
LE SAGE DE SIDI-BOU-SAÏD
Sur la marche chaulée de l’escalier du phare
L’aveugle noir attend, sa blanche djellabah
Et le large turban prêtant au regard las
Et digne l’expression d’une majesté rare.
D’aussi loin qu’il le voit le passant se prépare
Au rite de l’aumône et ralentit son pas,
Ils se saluent d’abord, puis conversent tout bas,
Chacun bénissant l’autre avant qu’il s’en sépare.
Le promeneur explique à son petit garçon
Ce qu’est la sainteté de l’humaine sagesse
Et pendant que le vent du golfe les caresse
Cet enfant que j’étais écoute la leçon
Et du haut du chemin la mer et ce visage
Ont mêlé leur lumière en un même héritage.
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