dimanche 5 septembre 2010
Maurice Sitruck du Palmarium par Marianne Sitruck-Benacin :
Je vais raconter – l’histoire de ma famille et surtout celle de mon père, personnage un peu hors du commun, mais comme il y en avait beaucoup dans ces pays de la Méditerranée.
Maurice Sitruk est né à Tunis en 1904. Son père était rabbin et possédait une imprimerie. J’ai entendu dire que c’était un érudit et un poète. On dit aussi qu’il donnait des cours d’hébreu à un célèbre Baron, banquier de son état, le Baron d’Erlanger qui avait une maison à Sidi-Bou-Said, haut lieu du tourisme de la Tunisie moderne. Cette maison est actuellement le Conservatoire de Musique.
Ce grand-père, rabbin et poète, perdit son épouse et son imprimerie dans un incendie et fut ruiné. Ses trois fils aînés quittèrent l’école pour aller chercher du travail. Mon père, lui, resta dans l’école qu’il fréquentait, l’Alliance Israélite Universelle, jusqu’à douze ou treize ans, puis se mit lui aussi à chercher du travail .
C’est là que commence la tranche de sa vie la plus amusante, pleine d’humour et rebondissements extraordinaires.
Donc Maurice a treize ans et cherche un emploi. Une annonce dans un journal de Tunis le conduit vers un Monsieur Fiorentino, propriétaire du « dancing chic » au nom évocateur, le « Rossini Palace » . Il se présente, dit qu’il a seize ans, qu’il sait taper à la machine et qu’il a déjà travaillé. Le Signore Fiorentino – un bourgeois juif italien- le croit, l’embauche ….et la fiesta commence .
Les « Nuits Folles » de Tunis ! c’était une ville où on s’amusait beaucoup entre les deux guerres et même avant, réputée pour ses fêtes, ses carnavals au sein d’une population joyeuse.
Mon père nous racontait qu’il s’était tout de suite fait à cette vie : les fêtards, les entraîneuses (des personnes de bonne famille, disait-il) les droits de « bouchon» pour pousser les clients à consommer…Il y avait là de grands bourgeois, célibataires ou pas, et quelques personnages peu recommandables de la Mafia locale, maltaise principalement. Mon père était comme un poisson dans l’eau.
Comme il réussissait très bien, il devint quelques années plus tard, un jeune homme très intéressant pour les parents de filles à marier. Et c’est ainsi qu’un courtier en mariage le proposa à mon grand-père maternel. Shalom Bessis était un bon bourgeois bien tranquille, bijoutier au souk de Tunis qui avait, par bonheur, cinq filles à marier avec, semble-t-il, des dots intéressantes. Et comme mon père n’était pas mal du tout, physiquement, sympathique et beau parleur, il séduisit tout ce beau monde et surtout le second gendre de Shalom, le beau-frère de ma mère, qui s’appelait Moise Haggiag….Tonton Moise que j’ai tant aimé…
Mariage en grande pompe, voyage de noces en Italie, par le bateau, avec escale à Palerme et à Naples .Et que croyez-vous que firent ces jeunes mariés pendant cette lune de miel : les musées ? Les hauts lieux de la culture ? Les promenades sur la baie de Naples ou sur les collines de Rome ? Pas du tout ! ce fut une tournée infernale des boites de nuit et des dancings… Et sur le bateau du retour , Elise Sitruk , née Bessis, qui n’était jamais sortie de son périmètre, entre sa maison, son école, et, l’été, les plages tunisoises toujours rigoureusement accompagnée, se retrouva pour la fin de son voyage de noces accompagnée de trois entraîneuses que mon père avait engagées pour le Dancing .
Le dancing, qu’il racheta rapidement au Sieur Montefiore, il en fit un rapidement un cinéma , car il courrait aussi vite que le progrès . Le Rossini Palace devint le cinéma « Le Mondial » et mon père devint le « Roi local » du music hall .
Mon frère Yvan naquit en 1929 et moi neuf ans plus tard en 1939 .
Durant ces années que l’on appela folles (et qui le furent vraiment), Maurice organisa ou participa aux différents carnavals de la ville. Ces carnavals portaient toujours le nom de deux couleurs .Une année, ce fut « Vert jade et Mandarine» .C’est de celui là que mon père parlait le plus, outre les anecdotes qu’il avait vécues et qu’il se plaisait à évoquer par la suite. En voici quelques unes dont je me souviens :
Il était resté très ami avec les maltais de la mafia, racontait-il, dont François Malais, l’un des chefs qui était venu, un jour, cacher dans le bar du Dancing une arme avec laquelle il avait occis un rival. L’histoire dont je suis à peu prés sûre, c’est que, la nuit de ma naissance, le 5 Août 1939, se présenta précisément à la même clinique à Montfleury (banlieue de Tunis) un copain de F.Malais qui venait de recevoir plusieurs balles dans le « buffet » et qui tenait ce qu’il lui restait de ventre à pleines mains. Et mon père, toujours prêt à rendre service, faisait la navette entre la chambre de ma mère, dans les douleurs de l’accouchement et le couloir où se trouvait le mafieux moribond .
Lorsqu’il commença à s’intéresser au Music-hall il fit venir dans les années 1930 / 1940 les plus grandes vedettes françaises du moment : Maurice Chevalier, Albert Prejean , Charles Trénet …etc.
Avec le passage de ce dernier, Maurice n’eut pas le temps de s’ennuyer. Homosexuel de son état, Charles Trénet était un grand caractériel. Son pianiste était son petit ami qu’il avait pris la charmante habitude de battre, avec d’ailleurs l’aide, bénévole, de l’impresario qui les accompagnait. Un soir, le pianiste ne voulut pas jouer, tant il avait peur de Charles Trénet qui était en pleine crise de nerfs. Et mon père, avec l’aide du docteur Hector Bonan le convainquit de venir accompagner Charles, en lui promettant sa protection. Pour cela, il l’enveloppa dans une couverture (car le pianiste prétendait mourir de fièvre) l’embarqua dans sa voiture. Sur la scène il fit descendre un rideau qui le cachait du public…si bien qu’on ne voyait que le piano…et il joua comme cela , enveloppé comme une momie sans que le public puisse l’apercevoir .
L’insupportable Charles Trénet ,une autre fois, quitta délibérément la scène, en plein tour de chant, parce qu’un chat noir était passé par là et qu’il était très superstitieux . Il a fallu encore toute l’inventivité de mon père qui lui promit, s’il remontait sur scène , de faire passer un chat blanc, avec la queue en l’air (signe de chance, semble-t-il)…ce qui fut fait .
Et puis il y a eu la belle Rina Ketty (que Dalida imita des années plus tard). Quand elle arriva à Tunis, elle était en pleine déprime, son amant l’avait quittée .Mon père, toujours fourmillant d’idées, lui présenta un de ses meilleurs amis, un homme superbe dont elle tomba amoureuse et qui resta avec elle quelque temps. Et Rina Ketty offrit à ma mère un poudrier sur lequel était gravé : « avec toute ma reconnaissance » .
Encore deux histoires :…
Dans ses cinémas, (car il en eût plusieurs) Maurice louait de très grands films. Un jour un de ses amis qui s’appelait Uzan lui proposa un film italien dont il disait que c’était un chef d’œuvre. En version italienne bien sûr ...car de très nombreux clients comprenaient l’italien et mon père le parlait bien. Mon père lui dit « OK , on va visionner le film ensemble ».
Et durant toute la projection du film, sans sous-titre, Uzan ne comprenait rien à ce que les acteurs disaient et demandait à Maurice : « qu’est ce qu’il a dit ? Qu’est ce qui se passe ? Explique-moi ci, explique-moi ça …. »
A la fin du film apparaît le mot « FINE » . Uzan demande encore : Qu’est que ça veut dire ?
Et mon père énervé ; « Même ça tu n’as pas compris ! ». Néanmoins, il prit le film qui était bon et qui a bien marché . Mais le plus drôle, c’est que, à compter de ce jour, tout Tunis a appelé Uzan : « Fine »
Il y a quelques années, un ami à nous, turfiste impénitent, qui ne le connaissait que sous le nom de « Fine » nous parla de lui .Et je lui dis : « Tu sais qu’il ne s’appelle pas fine mais Uzan ; il n’en savait rien et c’est comme cela que je lui racontais l’anecdote» .
Jacques me rappelait l’autre jour une autre histoire au sujet d’un film qui s’appelait « la malle jaune de Hong Kong » un navet légendaire. Un jour l’opérateur de cabine inversa deux bobines ; mon père s’en aperçut mais ne dit mot : au point où l’on en était de cette débilité de film, ce n’était pas très grave. Mais un spectateur ami s’en fut se plaindre à mon père quant à la compréhension du film. Maurice, sans se démonter, lui dit : « Tu es vraiment le seul à n’avoir rien compris, ça doit être trop subtil pour toi » .
Autre chose dont je me souviens : un peu plus tard, le Mondial était devenu une référence dans la projection des films égyptiens et le producteur de ces films –et surtout loueur, c’est à dire celui qui louait les films aux exploitants de salles- s’appelait Khayat. Il était libanais, maronite. En fait ils étaient deux frères, l’un Edmond, de grande classe et d’un professionnalisme épatant ; et l’autre, Edouard, célibataire, hurluberlu, un peu mystique, petit, pas beau et radin …Si radin qu’un jour, pour faire quelques économies, il chercha le moyen le moins dispendieux pour prévenir son frère que les copies d’un film pouvaient être envoyées à Beyrouth, à partir de l’étranger, sans problème. Et il rédigea ce merveilleux télégramme, peut-être le plus court jamais envoyé : « copies beyroutables ». Le frère ne comprit rien et ils dépensèrent ensemble une fortune en télégrammes pour arriver à se comprendre …Ce radin avait la manie de passer dans les salles de cinéma pour compter les spectateurs pendant la projection et parfois, entraîné par la musique égyptienne, souvent très belle, il tapait dans ses mains et dansait dans la salle obscure ce qui conduisait les spectateurs à frapper dans leurs mains en mesure. Ambiance garantie …
Dans un autre registre, Maurice Sitruk était un autodidacte ; vu son cursus scolaire, ce n’étaient pas les diplômes qui l’encombraient ; d’ailleurs il n’en avait cure. Il connaissait très bien l’Ancien et le Nouveau Testament ; il en parlait très bien, et souvent il nous lisait certains textes. En outre, il se plaisait à faire des exégèses et avait des idées toujours très originales sur la signification des événements. Il était au mieux avec les autorités religieuses catholiques de Tunis. Il déjeunait souvent avec Monseigneur Bazin, évêque de Tunis qui venait aussi déjeuner chez nous et … bénissait le pain avant de passer à table. Et une fois par an, il était convié, avec quelques « happy few », à l’Archevêché à Carthage, chez Monseigneur Gounot, Primat d’Afrique. Croyez-moi, c’était pas rien ! Lorsque les nazis occupèrent la Tunisie, pendant quelques mois, ces Autorités religieuses avaient assuré mon père de leur protection pour lui et sa famille. C’est sans doute pour cela que je fus scolarisée à Notre Dame de Sion, après l’occupation, entre 4 et 7 ans.
Le Palmarium .
En fait, cette salle de cinéma dont mon père était fier comme si c’était la consécration de sa vie --- mieux qu’une palme à Cannes, mieux qu’un oscar à Hollywood .
C’était d’abord le Casino Municipal de la ville de Tunis, dont il eut la concession avant guerre, en 37/38 . Quelle vedette était passée par là ? Peut-être Maurice Chevalier en 38 , sûrement des revues italiennes, je ne sais plus trop .
C’est également à cette époque que « La Divine, la grande Gréta Garbo devait faire escale à Tunis ; et la Metro Goldwin Mayer, dont elle était la super star, demanda à mon père d’aller la chercher au bateau qui l’amenait et de la faire conduire à Hammamet, je crois bien. J’espère qu’on retrouvera la photo de Papa avec Garbo à son bras, le visage caché par son éternel feutre et ses yeux par ses éternelles lunettes.
Le Palmarium donc, lui fut retiré vers 1940/41 à cause des lois raciales édictées par Vichy ; puisque, comme on le sait, la Tunisie était un protectorat français obéissant aux lois de ceux qui avaient « bradé la France ». Je cite, bien entendu mon père qui avait expédié cela en pleine figure à un haut fonctionnaire français, donc de Vichy. La phrase exacte était « Vous vous enrichissez à la suite de la défaite de votre pays que vous avez bradé, vous êtes un charognard » .
Et dans la foulée, il refusa de signer l’abandon de ses autres biens (il était déjà assez riche) qui furent mis sous séquestre car il ne voulait surtout pas adopter le « profil bas » . Ce qui lui valut d’être expédié, et nous avec lui, dans sa villa de La Goulette, construite en 39, dans une sorte de « résidence surveillée » . J’étais alors toute petite mais il me revient quelques flashs de cet hiver à La Goulette. Je crois qu’Yvan prenait le train tous les matins pour aller à l’école – le TGM, ( Tunis- Goulette- Marsa ) l’ancêtre du TGV…
Et le Palmarium fut bombardé en 42, pendant l’occupation de Tunis par les allemands qui dura sept mois. Une mauvaise information fit que les Anglais qui arrivaient par la Lybie, pour libérer Tunis, ont cru que la salle était bourrée d’Allemands. En fait, elle était vide ; le Palmarium fut rasé par la RAF ; seuls deux passants « innocents » eurent malheureusement rendez-vous avec la mort ce jour-là .
Je me suis un peu trop étendue, enfin, tant pis .
Donc Tunis est libérée ; Maurice récupère ses biens, le Mondial, sa villa qui entre temps a été occupée par un couple de collabos français, puis par des soldats américains.
Mais lui n’avait qu’une idée en tête, reprendre sa concession, son Palmarium, le faire reconstruire, il a traversé toutes les difficultés ; il n’y avait rien pour l’arrêter. Entre son bagout, le don qu’il avait de convaincre, son assurance, et sa notoriété dans le spectacle, il avait tous les moyens de combattre.
Du reste, c’était la période où il était au mieux avec les Autorités Militaires de l’époque car il assurait souvent le « Loisir aux Armées » – ce qui lui donnait ses petites entrées à l’Etat-Major ; à l’entendre il était presque à tu et à toi avec le Général Blanc.
Dés qu’il eut le feu vert pour la reconstruction, il vint à Paris, peut-être en 46/47 . Je sais que juste avant nous avions fait un voyage, Papa, Maman, Yvan et moi, sur le bateau « Gouverneur Général Chanzy » pour aller à Vittel où nous avons fait la connaissance des Morabito qui devinrent les premiers maroquiniers de Paris et d’excellents amis de mes parents pendant très longtemps
A Paris, je ne sais quel patron de firme cinématographique lui parle d’une famille d’architectes, mari, femme et gendre : monsieur Demontaux, madame Gorska, son épouse, et monsieur Lesoufaché, le gendre (on croirait le jeu des sept familles).
A Tunis, on lui avait donné « carte blanche »; de toute façon carte blanche ou carte orange ou carte vermeille, il avait mis dans sa poche, voire anesthésié, tous ces pauvres fonctionnaires de la Mairie de Tunis, pour la plupart des corses, nonchalants et lymphatiques, qui ne pensaient qu’à l’anisette et à la sieste, incapables de résister à cet ouragan.. El Ninio.
Quelle époque ! même moi je m’en souviens !
Il a passé des mois sur ce chantier ; il savait tout sur tout : l’architecture, les plans, le béton, les fondations … Je ne sais combien il y eut de bagarres, de coups d’éclat, de conspirations même pour lui enlever sa concession. Bref, cette construction qui débuta dans l’entente la plus cordiale se termina dans un sac de nœuds de vipère ; tout le monde était contrarié, fâché .
Ordres et contre-ordres se bousculaient toute la journée sur le chantier, et plus personne ne savait qui était l’entrepreneur, l’architecte ou le commanditaire …
Enfin arriva la fin de ce chantier et enfin le soir de l’inauguration. Tout ce que Tunis comptait de personnalités se pressait, en tenue de gala, dans le somptueux hall de marbre. Mon père en queue de pie et nœud pap, ma mère dans une magnifique robe noire en organza et velours, avec mantille assortie, s’il vous plait, étaient très élégants et on aurait pu espérer que tout était rentré dans l’ordre. Mais le pire était à venir : Le Maire de Tunis qui se chargea de présenter, sur la grande scène (somptueuse) tous les protagonistes de cette construction, architectes, entrepreneurs, et autres…congratula et félicita tout ce beau monde, sauf… Maurice Sitruk, dont il ne prononça même pas le nom ! Crime suprême ! Horreur absolue ! Jamais mon père ne pardonnera ; et il fit à ce pauvre Maire – qui était son interlocuteur direct à la mairie – une vie tellement amère jusqu’à son départ que le pauvre homme dut jeter l’éponge avant la fin de son mandat.
Bon, voilà pour le Palmarium .
Et ce fut « l’âge d’or » pour Maurice, pour le Palmarium et pour Tunis. Les plus grands films devaient passer dans cette salle à commencer par « Autant en emporte le vent ». Et tous les autres films de la Metro Goldwin Mayer, de la Warner Bros, des Artistes Associés, d’Universal… Il n’y avait que la Paramount et la Columbia qui ne traitaient pas avec mon père – ce qui le mettait en rage : « Ces traîtres, ces vendus, qui donnaient leurs films à la concurrence. »
Parallèlement, la guéguerre « Ville de Tunis – Maurice Sitruk » se poursuivait. A un moment, en plein hiver, les souffleries du Palmarium ne fonctionnaient plus, donc plus de chauffage !
Or, croyez-moi, quand il faisait froid à Tunis, on se gelait vraiment. La Mairie considérait que mon père devait payer les réparations ; et lui que c’était à elle de le faire. Et, en attendant, les spectateurs grelottaient. Néanmoins la salle était pleine… Aussi, Maurice, plus sûr de lui que jamais, fit passer cette publicité dans les journaux :« le Palmarium, la salle chauffée par le public ». Ce slogan fut repris par le « Canard enchaîné » .
Du reste, Maurice n’était pas à son premier essai dans le registre du tapage publicitaire ; je devrais dire du culot …Car il avait fait encore plus fort quelques années auparavant :
Un journal de Tunis publia durant plusieurs jours le pavé suivant : Elle arrive, Elle arrive ! »
Quatre ou cinq parutions successives sans qu’on sut qui arrivait, ni quand , ni où..
Mais mon père se saisit de cette opportunité, de cette « arrivée » pour faire passer dans les journaux cette publicité : « Elle arrive, Elle arrive, la Fille du Bédouin …. au Cinéma le Mondial » . Il avait tout simplement détourné, à son profit, la publicité de la Nouvelle Bière Stella. Je ne sais pas comment il s’en est tiré sans procès .
Comme on l’a vu, son contact facile avec les gens de toute catégories et de toutes conditions, l’amenait à fréquenter toutes les strates de la société ; aussi était-il très lié au Bey de Tunis.
Il allait souvent rendre visite au monarque, dans son palais de Carthage. Je me souviens très bien l’avoir accompagné plusieurs fois. On entrait dans la salle du Trône, le Bey sur son siège, « trônait comme il se doit » comme dirait Charles Trenet, entouré de deux bouffons, nains bien entendu, mon père baisait la main de Sa Majesté, et moi je faisais la révérence .
Le Bey demandait toujours à mon père qu’il lui racontât ses voyages, et lui demandait souvent de rechercher, pour lui, des objets originaux, pour ses collections . Ayant entendu parler, un jour, d’un « Diamant Jonquille »(diamant jaune soleil, rarissime à l’époque), son caprice du moment était d’en avoir à tout prix .
Grâce à cette commande, nous fîmes Papa, Maman et moi (Ah, je n’étais pas à la traîne) le tour des joailliers, Place Vendôme, évidemment . Et du fait de cette demande extravagante pour l’époque, (ce diamant n’est plus si rare à présent) nous fûmes reçus chez « Chaumet », par le joaillier lui-même, qui nous fit visiter sa collection privée.
Mais la Jonquille resta introuvable, sauf une fois, mais si chère que le Bey lui-même y renonça.
Dans une autre occasion, Maurice racheta la Delage (carrossée par Ghia) que le Bey avait commandée pour son épouse… à qui elle ne plaisait pas. Magnifique berline, au capot très allongé, toute doublée de cuir et garni de bois.
Nous fîmes plusieurs voyages avec elle, notamment toute l’Italie, au cours duquel, sur un col de montagne, Maurice ne trouva rien de mieux que de dévisser le bouchon du radiateur parce que la voiture fumait. Il reçut une douche brûlante sur le bras ; par chance, nous étions accompagnés par les grands amis de mes parents, le docteur Hababou-Sala et sa femme ; il avait sa trousse de pharmacie avec lui…ce qui sauva le bras de mon père .
Deux jours après nous reprenions la route, Papa avait le bras en écharpe et son béret basque (il adorait les couvre-chef, tout comme moi d’ailleurs, sans parler de ma mère qui en avait une collection) et il tenait encore à descendre sur la Riviera que diable !!
Que diable, rien ne l’aurait arrêté ! et autour de lui personne ne bronchait… Il aimait tellement la Côte d’Azur ! C’est là que nous avons pu assister, grâce à la Metro Goldwin Mayer, à un festival de Cannes …. Et c’est comme ça qu’on a pu « les monter ».
Que sa vie de nabab ne se soit pas terminée là-bas, reste pour moi un grand étonnement et aussi un regret pour lui et pour ma mère .
Aujourd’hui, alors que tous ces souvenirs me reviennent, je ne comprends pas ce qui a pu se passer. Enfin, c’est comme ça !!!
Bon, il faut conclure ou … re-conclure .
La fin du premier chapitre me plaisait bien, avec le Paradis où il était très content que cette histoire soit ainsi racontée. Alors je pense qu’il y en a deux autres qui doivent afficher un petit sourire complice. Maman d’abord qui était présente pendant tout ce récit et qui m’a peut-être soufflé ce que j’aurais pu oublier ; et bien sûr, Yvan qui aurait pu écrire tout cela mieux que moi avec plus de détails et plus de joie, avec cet enthousiasme et cette admiration, cet amour qu’il avait pour Papa.
Et comme Franck Sinatra qu’il adulait, il aurait ajouté « I feel my heart so young …. »
Et puis ce fut la paix, avec le déferlement des films américains dont Yvan était fou ; il en connaissait les musiques, les paroles et il apprenait l’anglais grâce à elles. Et il le parla fort bien . Toutes ces grandes firmes holywoodiennes nous les connaissions parfaitement, et tous ces acteurs étaient comme des membres de la famille… C’est fou la culture que nous avons puisée la-dedans.
Maurice Sitruk fit alors reconstruire le Palmarium, casino municipal dont il était concessionnaire avant guerre et qui avait été bombardé par les anglais vers la fin de l’occupation allemande . Alors là, le Palmarium et Maurice Sitruk, c’est la plus grande histoire d’amour de sa vie…..un peu comme Gilbert Trigano et le Club Med…
Le Palmarium, la plus grande salle d’Afrique ! Il fit venir à nouveau les plus grandes vedettes du moment et celles qui devaient le devenir. C’est fou , ces dîners après le spectacle !
Patachou et Jacques Brel, Sacha Distel. Yves Montand, Bécaud, Aznavour, Paul Anka, Bill Halley et ses Comet’s…Il y eut une émeute à Tunis quand les Platters débarquèrent en ville. Jacques Hélian et son orchestre firent un triomphe et Jean Marco avec eux. Beaucoup sont inconnus aujourd’hui, mais à l’époque c’étaient des « Stars ».
Et tous ces voyages fabuleux dans lesquels il nous emmenait Maman et moi avec parfois Yvan…qui voyageait plutôt de son coté . Imaginez ! Comment pouvait-on laisser les cinémas sans qu’au moins un Sitruk soit là ?
Ces voyages, ces palaces, ces théâtres, ces restaurants, ces casinos quels souvenirs ! A Cannes au Palm Beach, il tendait, seigneurial, les clefs de la Studebaker en hélant le voiturier par son prénom : "Max » si je me rappelle bien .
Et nous entrions dans le hall, qui en smoking qui en robe du soir… Un jour il y avait là Ray Ventura avec sa famille. C’était un chef d’orchestre mondialement connu qui avait écrit de très nombreuses chansons à succès après-guerre et qui avait eu l’intuition et l’intelligence (flairant l’antisémitisme) de partir en 39 avec tout son orchestre au Brésil pendant toute la durée de la guerre.
Il avait un formidable contact avec les gens. Un soir , sur le quai de la gare à Cannes, attendant justement comme nous trois le départ du fameux « Train Bleu » pour Paris, il y avait ce couple de légende qu’était Michèle Morgan et Henri Vidal. Maurice ne se démonte pas , va vers eux, se présente comme le premier exploitant de cinémas d’Afrique et, avec son aplomb habituel et son assurance de légende, engage la conversation, discute avec eux comme s’il les connaissait de toujours…et eux se prêtent complaisamment au dialogue…c’était finalement très sympathique et naturel. Et je me rend compte, seulement maintenant, que cela je l’ai appris de mon père : On peut parler à tout le monde si l’on reste soi-même et si l’on ne quémande pas .
Jacques me demandera sûrement de parler des pare-brise…Mon père était un collectionneur ; un collectionneur de quoi ? un collectionneur de tout. depuis les ventes de Drouot, comme celles du Marché aux Puces et jusqu’au marchands de livres complètement pourris des souks. Donc, il y a eu la période des pare-brise . je ne sais pas comment ça lui a pris, mais il est mis à aller chez des ferailleurs pour acheter tous les pare-brise des voitures désossées afin de décorer le café-bar du Palace, l’un de ses cinémas .Il en mettait sur tous les murs faisant poser en dessous des papiers de couleur ou imprimés, tous différents les uns des autres . On restait sans voix devant ces murs surréalistes … Remarquez que ça se passerait dans un musée moderne, aujourd’hui, les critiques unanimes (peut-être) crieraient au chef d’œuvre.
Alors Jacques, pour l’anniversaire de Dady, comme on l’appelait depuis qu’il était grand père, Jacques donc, décide de lui faire une surprise. Le voilà parti, avec son ami Gérald, chez le ferrailleur des environs de Tunis. Il y avait encore des centaines de pare-brise et Jacques demande : » Est-ce que vous connaissez Maurice Sitruk ? » Je ne connais que lui répond le marchand, il m’achète tous mes stocks de vitres » Et Jacques de dire « voilà, monsieur, je voudrais lui faire une surprise pour son anniversaire, alors pourriez-vous me vendre un pare-brise, le plus beau que vous ayez… »
Autant vous le dire, tout le monde a éclaté de rire, et le gendre de Maurice a emporté une pièce pas trop encombrante qu’il a empaqueté avec amour dans un superbe papier Hermes. Et Maurice ouvrant le paquet, disant qu’il ne fallait pas faire de folie pour lui, a découvert le cadeau qu’il accueillit avec un rire énorme, montrant combien il avait d’humour. Bien sûr, il a eu sa cravate Hermes, juste après .
Pour finir, l’apothéose, car il faut bien s’arrêter, - je ne veux pas écrire un livre – je veux seulement laisser quelques « bons »souvenirs de mes parents .
Au fait, je n’ai pas beaucoup parlé de ma mère ; elle n’a pas toujours eu la partie facile avec lui, malgré la fortune ; mais je crois qu’elle l’aimait vraiment, et ça c’était déjà du soleil dans sa vie.
L’apothéose, ce fut le voyage aux Etats Unis, en 1956. Queen Mary 1 à l’aller et Queen
Elisabeth au retour, tout un faste un luxe… toutes ces connaissances qu’on faisait sur le bateau… car vous l’avez compris Maurice parlait à tout le monde…et en anglais . Et puis, à New York, l’hôtel particulièrement chaleureux, les places pour les théâtres et les shows qui nous y attendaient -particulièrement les opérettes, surtout en toute première, « Oklaoma », un grand succés mondial, les invitations à déjeuner et à dîner avec les dirigeants de cinéma . C’était magnifique.
je ne sais pas si, à l’époque, je réalisais quelle vie extraordinaire il nous donnait. Je ne sais pas si nous étions conscientes de toute la reconnaissance qu’on lui devait.
Mais ce que je sais, et j’espère ne pas me tromper, c’est qu’il doit être content dans son coin de paradis que tout cela soit transmis, recueilli et raconté à ceux qui me l’ont demandé.
Maurice Sitruk est né à Tunis en 1904. Son père était rabbin et possédait une imprimerie. J’ai entendu dire que c’était un érudit et un poète. On dit aussi qu’il donnait des cours d’hébreu à un célèbre Baron, banquier de son état, le Baron d’Erlanger qui avait une maison à Sidi-Bou-Said, haut lieu du tourisme de la Tunisie moderne. Cette maison est actuellement le Conservatoire de Musique.
Ce grand-père, rabbin et poète, perdit son épouse et son imprimerie dans un incendie et fut ruiné. Ses trois fils aînés quittèrent l’école pour aller chercher du travail. Mon père, lui, resta dans l’école qu’il fréquentait, l’Alliance Israélite Universelle, jusqu’à douze ou treize ans, puis se mit lui aussi à chercher du travail .
C’est là que commence la tranche de sa vie la plus amusante, pleine d’humour et rebondissements extraordinaires.
Donc Maurice a treize ans et cherche un emploi. Une annonce dans un journal de Tunis le conduit vers un Monsieur Fiorentino, propriétaire du « dancing chic » au nom évocateur, le « Rossini Palace » . Il se présente, dit qu’il a seize ans, qu’il sait taper à la machine et qu’il a déjà travaillé. Le Signore Fiorentino – un bourgeois juif italien- le croit, l’embauche ….et la fiesta commence .
Les « Nuits Folles » de Tunis ! c’était une ville où on s’amusait beaucoup entre les deux guerres et même avant, réputée pour ses fêtes, ses carnavals au sein d’une population joyeuse.
Mon père nous racontait qu’il s’était tout de suite fait à cette vie : les fêtards, les entraîneuses (des personnes de bonne famille, disait-il) les droits de « bouchon» pour pousser les clients à consommer…Il y avait là de grands bourgeois, célibataires ou pas, et quelques personnages peu recommandables de la Mafia locale, maltaise principalement. Mon père était comme un poisson dans l’eau.
Comme il réussissait très bien, il devint quelques années plus tard, un jeune homme très intéressant pour les parents de filles à marier. Et c’est ainsi qu’un courtier en mariage le proposa à mon grand-père maternel. Shalom Bessis était un bon bourgeois bien tranquille, bijoutier au souk de Tunis qui avait, par bonheur, cinq filles à marier avec, semble-t-il, des dots intéressantes. Et comme mon père n’était pas mal du tout, physiquement, sympathique et beau parleur, il séduisit tout ce beau monde et surtout le second gendre de Shalom, le beau-frère de ma mère, qui s’appelait Moise Haggiag….Tonton Moise que j’ai tant aimé…
Mariage en grande pompe, voyage de noces en Italie, par le bateau, avec escale à Palerme et à Naples .Et que croyez-vous que firent ces jeunes mariés pendant cette lune de miel : les musées ? Les hauts lieux de la culture ? Les promenades sur la baie de Naples ou sur les collines de Rome ? Pas du tout ! ce fut une tournée infernale des boites de nuit et des dancings… Et sur le bateau du retour , Elise Sitruk , née Bessis, qui n’était jamais sortie de son périmètre, entre sa maison, son école, et, l’été, les plages tunisoises toujours rigoureusement accompagnée, se retrouva pour la fin de son voyage de noces accompagnée de trois entraîneuses que mon père avait engagées pour le Dancing .
Le dancing, qu’il racheta rapidement au Sieur Montefiore, il en fit un rapidement un cinéma , car il courrait aussi vite que le progrès . Le Rossini Palace devint le cinéma « Le Mondial » et mon père devint le « Roi local » du music hall .
Mon frère Yvan naquit en 1929 et moi neuf ans plus tard en 1939 .
Durant ces années que l’on appela folles (et qui le furent vraiment), Maurice organisa ou participa aux différents carnavals de la ville. Ces carnavals portaient toujours le nom de deux couleurs .Une année, ce fut « Vert jade et Mandarine» .C’est de celui là que mon père parlait le plus, outre les anecdotes qu’il avait vécues et qu’il se plaisait à évoquer par la suite. En voici quelques unes dont je me souviens :
Il était resté très ami avec les maltais de la mafia, racontait-il, dont François Malais, l’un des chefs qui était venu, un jour, cacher dans le bar du Dancing une arme avec laquelle il avait occis un rival. L’histoire dont je suis à peu prés sûre, c’est que, la nuit de ma naissance, le 5 Août 1939, se présenta précisément à la même clinique à Montfleury (banlieue de Tunis) un copain de F.Malais qui venait de recevoir plusieurs balles dans le « buffet » et qui tenait ce qu’il lui restait de ventre à pleines mains. Et mon père, toujours prêt à rendre service, faisait la navette entre la chambre de ma mère, dans les douleurs de l’accouchement et le couloir où se trouvait le mafieux moribond .
Lorsqu’il commença à s’intéresser au Music-hall il fit venir dans les années 1930 / 1940 les plus grandes vedettes françaises du moment : Maurice Chevalier, Albert Prejean , Charles Trénet …etc.
Avec le passage de ce dernier, Maurice n’eut pas le temps de s’ennuyer. Homosexuel de son état, Charles Trénet était un grand caractériel. Son pianiste était son petit ami qu’il avait pris la charmante habitude de battre, avec d’ailleurs l’aide, bénévole, de l’impresario qui les accompagnait. Un soir, le pianiste ne voulut pas jouer, tant il avait peur de Charles Trénet qui était en pleine crise de nerfs. Et mon père, avec l’aide du docteur Hector Bonan le convainquit de venir accompagner Charles, en lui promettant sa protection. Pour cela, il l’enveloppa dans une couverture (car le pianiste prétendait mourir de fièvre) l’embarqua dans sa voiture. Sur la scène il fit descendre un rideau qui le cachait du public…si bien qu’on ne voyait que le piano…et il joua comme cela , enveloppé comme une momie sans que le public puisse l’apercevoir .
L’insupportable Charles Trénet ,une autre fois, quitta délibérément la scène, en plein tour de chant, parce qu’un chat noir était passé par là et qu’il était très superstitieux . Il a fallu encore toute l’inventivité de mon père qui lui promit, s’il remontait sur scène , de faire passer un chat blanc, avec la queue en l’air (signe de chance, semble-t-il)…ce qui fut fait .
Et puis il y a eu la belle Rina Ketty (que Dalida imita des années plus tard). Quand elle arriva à Tunis, elle était en pleine déprime, son amant l’avait quittée .Mon père, toujours fourmillant d’idées, lui présenta un de ses meilleurs amis, un homme superbe dont elle tomba amoureuse et qui resta avec elle quelque temps. Et Rina Ketty offrit à ma mère un poudrier sur lequel était gravé : « avec toute ma reconnaissance » .
Encore deux histoires :…
Dans ses cinémas, (car il en eût plusieurs) Maurice louait de très grands films. Un jour un de ses amis qui s’appelait Uzan lui proposa un film italien dont il disait que c’était un chef d’œuvre. En version italienne bien sûr ...car de très nombreux clients comprenaient l’italien et mon père le parlait bien. Mon père lui dit « OK , on va visionner le film ensemble ».
Et durant toute la projection du film, sans sous-titre, Uzan ne comprenait rien à ce que les acteurs disaient et demandait à Maurice : « qu’est ce qu’il a dit ? Qu’est ce qui se passe ? Explique-moi ci, explique-moi ça …. »
A la fin du film apparaît le mot « FINE » . Uzan demande encore : Qu’est que ça veut dire ?
Et mon père énervé ; « Même ça tu n’as pas compris ! ». Néanmoins, il prit le film qui était bon et qui a bien marché . Mais le plus drôle, c’est que, à compter de ce jour, tout Tunis a appelé Uzan : « Fine »
Il y a quelques années, un ami à nous, turfiste impénitent, qui ne le connaissait que sous le nom de « Fine » nous parla de lui .Et je lui dis : « Tu sais qu’il ne s’appelle pas fine mais Uzan ; il n’en savait rien et c’est comme cela que je lui racontais l’anecdote» .
Jacques me rappelait l’autre jour une autre histoire au sujet d’un film qui s’appelait « la malle jaune de Hong Kong » un navet légendaire. Un jour l’opérateur de cabine inversa deux bobines ; mon père s’en aperçut mais ne dit mot : au point où l’on en était de cette débilité de film, ce n’était pas très grave. Mais un spectateur ami s’en fut se plaindre à mon père quant à la compréhension du film. Maurice, sans se démonter, lui dit : « Tu es vraiment le seul à n’avoir rien compris, ça doit être trop subtil pour toi » .
Autre chose dont je me souviens : un peu plus tard, le Mondial était devenu une référence dans la projection des films égyptiens et le producteur de ces films –et surtout loueur, c’est à dire celui qui louait les films aux exploitants de salles- s’appelait Khayat. Il était libanais, maronite. En fait ils étaient deux frères, l’un Edmond, de grande classe et d’un professionnalisme épatant ; et l’autre, Edouard, célibataire, hurluberlu, un peu mystique, petit, pas beau et radin …Si radin qu’un jour, pour faire quelques économies, il chercha le moyen le moins dispendieux pour prévenir son frère que les copies d’un film pouvaient être envoyées à Beyrouth, à partir de l’étranger, sans problème. Et il rédigea ce merveilleux télégramme, peut-être le plus court jamais envoyé : « copies beyroutables ». Le frère ne comprit rien et ils dépensèrent ensemble une fortune en télégrammes pour arriver à se comprendre …Ce radin avait la manie de passer dans les salles de cinéma pour compter les spectateurs pendant la projection et parfois, entraîné par la musique égyptienne, souvent très belle, il tapait dans ses mains et dansait dans la salle obscure ce qui conduisait les spectateurs à frapper dans leurs mains en mesure. Ambiance garantie …
Dans un autre registre, Maurice Sitruk était un autodidacte ; vu son cursus scolaire, ce n’étaient pas les diplômes qui l’encombraient ; d’ailleurs il n’en avait cure. Il connaissait très bien l’Ancien et le Nouveau Testament ; il en parlait très bien, et souvent il nous lisait certains textes. En outre, il se plaisait à faire des exégèses et avait des idées toujours très originales sur la signification des événements. Il était au mieux avec les autorités religieuses catholiques de Tunis. Il déjeunait souvent avec Monseigneur Bazin, évêque de Tunis qui venait aussi déjeuner chez nous et … bénissait le pain avant de passer à table. Et une fois par an, il était convié, avec quelques « happy few », à l’Archevêché à Carthage, chez Monseigneur Gounot, Primat d’Afrique. Croyez-moi, c’était pas rien ! Lorsque les nazis occupèrent la Tunisie, pendant quelques mois, ces Autorités religieuses avaient assuré mon père de leur protection pour lui et sa famille. C’est sans doute pour cela que je fus scolarisée à Notre Dame de Sion, après l’occupation, entre 4 et 7 ans.
Le Palmarium .
En fait, cette salle de cinéma dont mon père était fier comme si c’était la consécration de sa vie --- mieux qu’une palme à Cannes, mieux qu’un oscar à Hollywood .
C’était d’abord le Casino Municipal de la ville de Tunis, dont il eut la concession avant guerre, en 37/38 . Quelle vedette était passée par là ? Peut-être Maurice Chevalier en 38 , sûrement des revues italiennes, je ne sais plus trop .
C’est également à cette époque que « La Divine, la grande Gréta Garbo devait faire escale à Tunis ; et la Metro Goldwin Mayer, dont elle était la super star, demanda à mon père d’aller la chercher au bateau qui l’amenait et de la faire conduire à Hammamet, je crois bien. J’espère qu’on retrouvera la photo de Papa avec Garbo à son bras, le visage caché par son éternel feutre et ses yeux par ses éternelles lunettes.
Le Palmarium donc, lui fut retiré vers 1940/41 à cause des lois raciales édictées par Vichy ; puisque, comme on le sait, la Tunisie était un protectorat français obéissant aux lois de ceux qui avaient « bradé la France ». Je cite, bien entendu mon père qui avait expédié cela en pleine figure à un haut fonctionnaire français, donc de Vichy. La phrase exacte était « Vous vous enrichissez à la suite de la défaite de votre pays que vous avez bradé, vous êtes un charognard » .
Et dans la foulée, il refusa de signer l’abandon de ses autres biens (il était déjà assez riche) qui furent mis sous séquestre car il ne voulait surtout pas adopter le « profil bas » . Ce qui lui valut d’être expédié, et nous avec lui, dans sa villa de La Goulette, construite en 39, dans une sorte de « résidence surveillée » . J’étais alors toute petite mais il me revient quelques flashs de cet hiver à La Goulette. Je crois qu’Yvan prenait le train tous les matins pour aller à l’école – le TGM, ( Tunis- Goulette- Marsa ) l’ancêtre du TGV…
Et le Palmarium fut bombardé en 42, pendant l’occupation de Tunis par les allemands qui dura sept mois. Une mauvaise information fit que les Anglais qui arrivaient par la Lybie, pour libérer Tunis, ont cru que la salle était bourrée d’Allemands. En fait, elle était vide ; le Palmarium fut rasé par la RAF ; seuls deux passants « innocents » eurent malheureusement rendez-vous avec la mort ce jour-là .
Je me suis un peu trop étendue, enfin, tant pis .
Donc Tunis est libérée ; Maurice récupère ses biens, le Mondial, sa villa qui entre temps a été occupée par un couple de collabos français, puis par des soldats américains.
Mais lui n’avait qu’une idée en tête, reprendre sa concession, son Palmarium, le faire reconstruire, il a traversé toutes les difficultés ; il n’y avait rien pour l’arrêter. Entre son bagout, le don qu’il avait de convaincre, son assurance, et sa notoriété dans le spectacle, il avait tous les moyens de combattre.
Du reste, c’était la période où il était au mieux avec les Autorités Militaires de l’époque car il assurait souvent le « Loisir aux Armées » – ce qui lui donnait ses petites entrées à l’Etat-Major ; à l’entendre il était presque à tu et à toi avec le Général Blanc.
Dés qu’il eut le feu vert pour la reconstruction, il vint à Paris, peut-être en 46/47 . Je sais que juste avant nous avions fait un voyage, Papa, Maman, Yvan et moi, sur le bateau « Gouverneur Général Chanzy » pour aller à Vittel où nous avons fait la connaissance des Morabito qui devinrent les premiers maroquiniers de Paris et d’excellents amis de mes parents pendant très longtemps
A Paris, je ne sais quel patron de firme cinématographique lui parle d’une famille d’architectes, mari, femme et gendre : monsieur Demontaux, madame Gorska, son épouse, et monsieur Lesoufaché, le gendre (on croirait le jeu des sept familles).
A Tunis, on lui avait donné « carte blanche »; de toute façon carte blanche ou carte orange ou carte vermeille, il avait mis dans sa poche, voire anesthésié, tous ces pauvres fonctionnaires de la Mairie de Tunis, pour la plupart des corses, nonchalants et lymphatiques, qui ne pensaient qu’à l’anisette et à la sieste, incapables de résister à cet ouragan.. El Ninio.
Quelle époque ! même moi je m’en souviens !
Il a passé des mois sur ce chantier ; il savait tout sur tout : l’architecture, les plans, le béton, les fondations … Je ne sais combien il y eut de bagarres, de coups d’éclat, de conspirations même pour lui enlever sa concession. Bref, cette construction qui débuta dans l’entente la plus cordiale se termina dans un sac de nœuds de vipère ; tout le monde était contrarié, fâché .
Ordres et contre-ordres se bousculaient toute la journée sur le chantier, et plus personne ne savait qui était l’entrepreneur, l’architecte ou le commanditaire …
Enfin arriva la fin de ce chantier et enfin le soir de l’inauguration. Tout ce que Tunis comptait de personnalités se pressait, en tenue de gala, dans le somptueux hall de marbre. Mon père en queue de pie et nœud pap, ma mère dans une magnifique robe noire en organza et velours, avec mantille assortie, s’il vous plait, étaient très élégants et on aurait pu espérer que tout était rentré dans l’ordre. Mais le pire était à venir : Le Maire de Tunis qui se chargea de présenter, sur la grande scène (somptueuse) tous les protagonistes de cette construction, architectes, entrepreneurs, et autres…congratula et félicita tout ce beau monde, sauf… Maurice Sitruk, dont il ne prononça même pas le nom ! Crime suprême ! Horreur absolue ! Jamais mon père ne pardonnera ; et il fit à ce pauvre Maire – qui était son interlocuteur direct à la mairie – une vie tellement amère jusqu’à son départ que le pauvre homme dut jeter l’éponge avant la fin de son mandat.
Bon, voilà pour le Palmarium .
Et ce fut « l’âge d’or » pour Maurice, pour le Palmarium et pour Tunis. Les plus grands films devaient passer dans cette salle à commencer par « Autant en emporte le vent ». Et tous les autres films de la Metro Goldwin Mayer, de la Warner Bros, des Artistes Associés, d’Universal… Il n’y avait que la Paramount et la Columbia qui ne traitaient pas avec mon père – ce qui le mettait en rage : « Ces traîtres, ces vendus, qui donnaient leurs films à la concurrence. »
Parallèlement, la guéguerre « Ville de Tunis – Maurice Sitruk » se poursuivait. A un moment, en plein hiver, les souffleries du Palmarium ne fonctionnaient plus, donc plus de chauffage !
Or, croyez-moi, quand il faisait froid à Tunis, on se gelait vraiment. La Mairie considérait que mon père devait payer les réparations ; et lui que c’était à elle de le faire. Et, en attendant, les spectateurs grelottaient. Néanmoins la salle était pleine… Aussi, Maurice, plus sûr de lui que jamais, fit passer cette publicité dans les journaux :« le Palmarium, la salle chauffée par le public ». Ce slogan fut repris par le « Canard enchaîné » .
Du reste, Maurice n’était pas à son premier essai dans le registre du tapage publicitaire ; je devrais dire du culot …Car il avait fait encore plus fort quelques années auparavant :
Un journal de Tunis publia durant plusieurs jours le pavé suivant : Elle arrive, Elle arrive ! »
Quatre ou cinq parutions successives sans qu’on sut qui arrivait, ni quand , ni où..
Mais mon père se saisit de cette opportunité, de cette « arrivée » pour faire passer dans les journaux cette publicité : « Elle arrive, Elle arrive, la Fille du Bédouin …. au Cinéma le Mondial » . Il avait tout simplement détourné, à son profit, la publicité de la Nouvelle Bière Stella. Je ne sais pas comment il s’en est tiré sans procès .
Comme on l’a vu, son contact facile avec les gens de toute catégories et de toutes conditions, l’amenait à fréquenter toutes les strates de la société ; aussi était-il très lié au Bey de Tunis.
Il allait souvent rendre visite au monarque, dans son palais de Carthage. Je me souviens très bien l’avoir accompagné plusieurs fois. On entrait dans la salle du Trône, le Bey sur son siège, « trônait comme il se doit » comme dirait Charles Trenet, entouré de deux bouffons, nains bien entendu, mon père baisait la main de Sa Majesté, et moi je faisais la révérence .
Le Bey demandait toujours à mon père qu’il lui racontât ses voyages, et lui demandait souvent de rechercher, pour lui, des objets originaux, pour ses collections . Ayant entendu parler, un jour, d’un « Diamant Jonquille »(diamant jaune soleil, rarissime à l’époque), son caprice du moment était d’en avoir à tout prix .
Grâce à cette commande, nous fîmes Papa, Maman et moi (Ah, je n’étais pas à la traîne) le tour des joailliers, Place Vendôme, évidemment . Et du fait de cette demande extravagante pour l’époque, (ce diamant n’est plus si rare à présent) nous fûmes reçus chez « Chaumet », par le joaillier lui-même, qui nous fit visiter sa collection privée.
Mais la Jonquille resta introuvable, sauf une fois, mais si chère que le Bey lui-même y renonça.
Dans une autre occasion, Maurice racheta la Delage (carrossée par Ghia) que le Bey avait commandée pour son épouse… à qui elle ne plaisait pas. Magnifique berline, au capot très allongé, toute doublée de cuir et garni de bois.
Nous fîmes plusieurs voyages avec elle, notamment toute l’Italie, au cours duquel, sur un col de montagne, Maurice ne trouva rien de mieux que de dévisser le bouchon du radiateur parce que la voiture fumait. Il reçut une douche brûlante sur le bras ; par chance, nous étions accompagnés par les grands amis de mes parents, le docteur Hababou-Sala et sa femme ; il avait sa trousse de pharmacie avec lui…ce qui sauva le bras de mon père .
Deux jours après nous reprenions la route, Papa avait le bras en écharpe et son béret basque (il adorait les couvre-chef, tout comme moi d’ailleurs, sans parler de ma mère qui en avait une collection) et il tenait encore à descendre sur la Riviera que diable !!
Que diable, rien ne l’aurait arrêté ! et autour de lui personne ne bronchait… Il aimait tellement la Côte d’Azur ! C’est là que nous avons pu assister, grâce à la Metro Goldwin Mayer, à un festival de Cannes …. Et c’est comme ça qu’on a pu « les monter ».
Que sa vie de nabab ne se soit pas terminée là-bas, reste pour moi un grand étonnement et aussi un regret pour lui et pour ma mère .
Aujourd’hui, alors que tous ces souvenirs me reviennent, je ne comprends pas ce qui a pu se passer. Enfin, c’est comme ça !!!
Bon, il faut conclure ou … re-conclure .
La fin du premier chapitre me plaisait bien, avec le Paradis où il était très content que cette histoire soit ainsi racontée. Alors je pense qu’il y en a deux autres qui doivent afficher un petit sourire complice. Maman d’abord qui était présente pendant tout ce récit et qui m’a peut-être soufflé ce que j’aurais pu oublier ; et bien sûr, Yvan qui aurait pu écrire tout cela mieux que moi avec plus de détails et plus de joie, avec cet enthousiasme et cette admiration, cet amour qu’il avait pour Papa.
Et comme Franck Sinatra qu’il adulait, il aurait ajouté « I feel my heart so young …. »
Et puis ce fut la paix, avec le déferlement des films américains dont Yvan était fou ; il en connaissait les musiques, les paroles et il apprenait l’anglais grâce à elles. Et il le parla fort bien . Toutes ces grandes firmes holywoodiennes nous les connaissions parfaitement, et tous ces acteurs étaient comme des membres de la famille… C’est fou la culture que nous avons puisée la-dedans.
Maurice Sitruk fit alors reconstruire le Palmarium, casino municipal dont il était concessionnaire avant guerre et qui avait été bombardé par les anglais vers la fin de l’occupation allemande . Alors là, le Palmarium et Maurice Sitruk, c’est la plus grande histoire d’amour de sa vie…..un peu comme Gilbert Trigano et le Club Med…
Le Palmarium, la plus grande salle d’Afrique ! Il fit venir à nouveau les plus grandes vedettes du moment et celles qui devaient le devenir. C’est fou , ces dîners après le spectacle !
Patachou et Jacques Brel, Sacha Distel. Yves Montand, Bécaud, Aznavour, Paul Anka, Bill Halley et ses Comet’s…Il y eut une émeute à Tunis quand les Platters débarquèrent en ville. Jacques Hélian et son orchestre firent un triomphe et Jean Marco avec eux. Beaucoup sont inconnus aujourd’hui, mais à l’époque c’étaient des « Stars ».
Et tous ces voyages fabuleux dans lesquels il nous emmenait Maman et moi avec parfois Yvan…qui voyageait plutôt de son coté . Imaginez ! Comment pouvait-on laisser les cinémas sans qu’au moins un Sitruk soit là ?
Ces voyages, ces palaces, ces théâtres, ces restaurants, ces casinos quels souvenirs ! A Cannes au Palm Beach, il tendait, seigneurial, les clefs de la Studebaker en hélant le voiturier par son prénom : "Max » si je me rappelle bien .
Et nous entrions dans le hall, qui en smoking qui en robe du soir… Un jour il y avait là Ray Ventura avec sa famille. C’était un chef d’orchestre mondialement connu qui avait écrit de très nombreuses chansons à succès après-guerre et qui avait eu l’intuition et l’intelligence (flairant l’antisémitisme) de partir en 39 avec tout son orchestre au Brésil pendant toute la durée de la guerre.
Il avait un formidable contact avec les gens. Un soir , sur le quai de la gare à Cannes, attendant justement comme nous trois le départ du fameux « Train Bleu » pour Paris, il y avait ce couple de légende qu’était Michèle Morgan et Henri Vidal. Maurice ne se démonte pas , va vers eux, se présente comme le premier exploitant de cinémas d’Afrique et, avec son aplomb habituel et son assurance de légende, engage la conversation, discute avec eux comme s’il les connaissait de toujours…et eux se prêtent complaisamment au dialogue…c’était finalement très sympathique et naturel. Et je me rend compte, seulement maintenant, que cela je l’ai appris de mon père : On peut parler à tout le monde si l’on reste soi-même et si l’on ne quémande pas .
Jacques me demandera sûrement de parler des pare-brise…Mon père était un collectionneur ; un collectionneur de quoi ? un collectionneur de tout. depuis les ventes de Drouot, comme celles du Marché aux Puces et jusqu’au marchands de livres complètement pourris des souks. Donc, il y a eu la période des pare-brise . je ne sais pas comment ça lui a pris, mais il est mis à aller chez des ferailleurs pour acheter tous les pare-brise des voitures désossées afin de décorer le café-bar du Palace, l’un de ses cinémas .Il en mettait sur tous les murs faisant poser en dessous des papiers de couleur ou imprimés, tous différents les uns des autres . On restait sans voix devant ces murs surréalistes … Remarquez que ça se passerait dans un musée moderne, aujourd’hui, les critiques unanimes (peut-être) crieraient au chef d’œuvre.
Alors Jacques, pour l’anniversaire de Dady, comme on l’appelait depuis qu’il était grand père, Jacques donc, décide de lui faire une surprise. Le voilà parti, avec son ami Gérald, chez le ferrailleur des environs de Tunis. Il y avait encore des centaines de pare-brise et Jacques demande : » Est-ce que vous connaissez Maurice Sitruk ? » Je ne connais que lui répond le marchand, il m’achète tous mes stocks de vitres » Et Jacques de dire « voilà, monsieur, je voudrais lui faire une surprise pour son anniversaire, alors pourriez-vous me vendre un pare-brise, le plus beau que vous ayez… »
Autant vous le dire, tout le monde a éclaté de rire, et le gendre de Maurice a emporté une pièce pas trop encombrante qu’il a empaqueté avec amour dans un superbe papier Hermes. Et Maurice ouvrant le paquet, disant qu’il ne fallait pas faire de folie pour lui, a découvert le cadeau qu’il accueillit avec un rire énorme, montrant combien il avait d’humour. Bien sûr, il a eu sa cravate Hermes, juste après .
Pour finir, l’apothéose, car il faut bien s’arrêter, - je ne veux pas écrire un livre – je veux seulement laisser quelques « bons »souvenirs de mes parents .
Au fait, je n’ai pas beaucoup parlé de ma mère ; elle n’a pas toujours eu la partie facile avec lui, malgré la fortune ; mais je crois qu’elle l’aimait vraiment, et ça c’était déjà du soleil dans sa vie.
L’apothéose, ce fut le voyage aux Etats Unis, en 1956. Queen Mary 1 à l’aller et Queen
Elisabeth au retour, tout un faste un luxe… toutes ces connaissances qu’on faisait sur le bateau… car vous l’avez compris Maurice parlait à tout le monde…et en anglais . Et puis, à New York, l’hôtel particulièrement chaleureux, les places pour les théâtres et les shows qui nous y attendaient -particulièrement les opérettes, surtout en toute première, « Oklaoma », un grand succés mondial, les invitations à déjeuner et à dîner avec les dirigeants de cinéma . C’était magnifique.
je ne sais pas si, à l’époque, je réalisais quelle vie extraordinaire il nous donnait. Je ne sais pas si nous étions conscientes de toute la reconnaissance qu’on lui devait.
Mais ce que je sais, et j’espère ne pas me tromper, c’est qu’il doit être content dans son coin de paradis que tout cela soit transmis, recueilli et raconté à ceux qui me l’ont demandé.
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RépondreSupprimerArianne SCIBILIA a dit…
RépondreSupprimerBonjour Marianne, voilà de belles histoires qui me donnent encore plus l'envie d'en savoir plus sur mes parents que vous avez forcément connus... ils se sont rencontrés au Palmarium, mon père, François, était projectionniste et ma mère, Odile, était caissière... et le frère de ma mère, Gilbert LABI, a été portier, puis caissier et enfin sous-directeur au Mondial.
Ils sont malheureusement tous trois partis, et ont toujours été avares de souvenirs. Si vous pouviez me raconter !!
J'aurai plaisir à correspondre avec vous si vous acceptez.
Merci pour ce récit.
Sincèrement.
Ariane SCIBILIA