UNE BARMITZWAH A TUNIS par Henri Slama
Dans la vie de chaque Juif, la bar mitzwah est un événement important, le passage de l’enfance à la majorité religieuse. A partir de ce jour, on fait partie du minian de dix hommes indispensable pour pouvoir réciter un kaddish. On est un homme. Pour déterminer la date de la bar mitzwah, les rabbins font aujourd’hui des calculs savants. En Tunisie, les rabbins que j’ai connus déterminaient cette date à l’apparition chez le garçon des premiers poils pubiens.
Durant les années ou les mois qui précédaient ce jour, l’adolescent apprenait les rudiments d’hébreu, à chanter des passages de la Thora, à mettre le taleth et les tephilines ( ou phylactères ). On ne cherchait pas à comprendre ce qu’on lisait, mais on le chantait avec les intonations voulues.
La veille de la cérémonie à la synagogue, la famille recevait les invités, parents , amis et voisins, en l’honneur du communiant..
Tout d’abord, les tantes et autres femmes âgées venaient habiller de neuf le jeune homme, mais le plus difficile était de lui faire enlever son slip devant toutes ces dames.
Ensuite, le jeune homme s’asseyait au milieu du salon. Un coiffeur venait lui couper les cheveux. Y avait il un rapport avec les cérémonies d’initiation, chez les peuples anciens, ou un rapport avec l’histoire de Samson, je ne sais pas. Cela se passait avec les ri-ri et les you-you des femmes, les taalil en l’honneur de l’adolescent, la voix de Raoul Journo et les chants de circonstance qui annonçaient un avenir paradisiaque au héros de la soirée, paré de toutes les vertus, à la grande gloire de ses parents.
Au milieu du brouhaha des conversations et des effusions de retrouvailles, les jeunes filles de la maison distribuaient l’assiette anglaise qui comprenait forcement une brick, une tranche de minina, une de salami et des variantes, le tout accompagné des bouteilles de boukha que l’on faisait circuler de main en main, en même temps que le vin Bokobza.
Malgré le bruit, on pouvait parler et écouter les autres, tandis qu’aujourd’hui les orchestres envoient tellement de décibels qu’il est impossible de dire une phrase à sa cousine qu’on n’a pas vue depuis dix ans. Venait ensuite le tour de l’assiette dessert, avec son cigare au miel, banane, mandarine et makroud.
Le lendemain, à la synagogue, le jeune homme participait à l’office du matin,. Il revêtait le taleth, tout neuf ( peut-être commandé à Jérusalem), il mettait les tefiline au bras et au front et devait « monter au sepher thora « pour écouter les versets de la bible de ce jour. Selon son degré de connaissance de l’hébreu, il chantonnait quelques versets appris par cœur, avec l’intonation voulue, même si le sens en était complètement ignoré. Ou alors, s’il était plus doué, il arrivait à lire sur le parchemin sacré, sans ponctuation ou voyelles, les versets thoraiques.
Après l’office, on se rendait en cortège à la maison où nous attendaient un verre d’orgeat bien frais, une citronnade glacée et des gâteaux.
Suivait la séance de photo ou le barmitzwah, entouré de sa famille et de ses copains posait pour que le souvenir de cette journée mémorable puisse être marqué à tout jamais pour les générations futures.
Après le repas somptueux de midi, le bar mitzwah faisait un tour en calèche jusqu’au Belvédère et et emmenait ses amis pour une séance de cinéma « au Mondial « pour voir un Laurel et Hardy.
Au delà de ces festivités, le souvenir qui m’a le plus touché, c’est de découvrir ,plusieurs années après, que mes parents avaient tout commandé en double : costumes, chaussures, chemises, taleth, tefiline, gâteaux pour qu’un jeune pauvre qu’ils ne connaissaient pas puisse lui aussi faire sa bar mitzwah, comme le petit bourgeois que j’étais..
P.S. Comment ne pas mentionner, en bonne place, les cadeaux reçus ce jour par le communiant : bracelets montre, réveils, lampes de bureau, boutons de manchette, livres de toutes sortes, enveloppes ainsi que les embrassades qui vont avec.
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