Bienvenue

Ouvrez vous à l’espérance vous qui entrez dans ce blog !

Et ne vous croyez pas obligés d’être aussi puissants et percutants que Dante. Si vous avez eu plaisir à lire les lignes qui suivent et s’il vous est arrivé de passer d’agréables moments à vous remémorer des souvenirs personnels heureux de votre vie en Tunisie ; si vous éprouvez l’envie de les partager avec des amis plus ou moins proches, adressez les -- sous une forme écrite mais la voix sera peut-être bientôt aussi exploitable -- à l’adresse : jean.belaisch@wanadoo.fr et vous aurez au moins le contentement d’être lus à travers le monde grâce à l’internet et à ses tentacules.

Vous aurez peut-être aussi davantage c'est à dire que d’autres personnes, le plus souvent des amis qui ont vécu les mêmes moments viendront rapporter d’autres aspects de ces moments heureux et parfois corriger des défaillances de votre mémoire qui vous avaient fait prendre pour vérité ce qui était invention de votre cerveau émotionnel.

Ne soyez pas modestes, tout rappel peut être enrichissant, n’hésitez pas à utiliser votre propre vocabulaire, à manier l’humour ou le sérieux, les signes de richesse (y compris intellectuelle) ou les preuves de la pauvreté (y compris d’un moral oscillant). Vous avez toute liberté d’écrire à la condition que vous fassiez preuve de responsabilité puisque d’une façon ou d’une autre nous représentons tous un groupe de personnes qui a aimé la Tunisie et qui a pour d’innombrables raisons, choisi de vivre sur une autre terre.

Bienvenue donc et écrivez dès que vous en sentirez l’envie.


Un des responsables de ce qui pourrait aussi devenir un livre, si vous en éprouvez le désir !

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mercredi 17 juin 2009

LE DESSIN DE VACANCES DU LYCEE CARNOT DE TUNIS

Par le Dr Charles PEREZ


J’ai gardé un souvenir indéfectible de ma tendre enfance, lorsque ma mère, tous les après-midi de sabbat (samedi) allait rendre visite à son oncle qui habitait avec son fils Moumou, sa brue Maïra et sa très mignonne petite- fille, un vaste appartement à Tunis, près de la grande Place des Potiers, à la lisière de la partie arabe (Bab Souika) de la ville.
Je pouvais avec mon frère Albert et la petite cousine, à peu près tous du même âge, jouer à « cache-cache », ou « à qui attrape l’autre », sans que nos parents si occupés à tchatcher ne nous interdisent de courir ou de crier à haute voix.
Il y avait toujours beaucoup de monde dans une des grandes pièce, et la gravité de leur silence ou de leurs conversations à voix basse étaient souvent troublées par nos jeux qui consistaient à s’approcher d’un divan toujours parsemé de grands livres ouverts ou fermés et au milieu desquels se trouvait notre grand oncle( Aziz khali) vêtu à l’arabe et qui parlait avec beaucoup de douceur avec les nombreux hommes présents, habillés aussi à l’arabe, ou à la mode européenne et la tête toujours couverte d’une chéchia noire ou rouge ou d’un feutre à larges bords.
Nous osions même nous approcher de notre aïeul, lui baiser les mains très rapidement, et lui, non moins rapidement, couvrait de ses doigts nos petites têtes pour nous bénir en hébreu.
Notre âge nous rendait indifférents à la gêne que pouvait entraîner notre manège, car il nous arrivait de le recommencer, à l’insu de notre mère.
Notre Aziz khali qui nous aimait beaucoup, paraissait un être fort important, vu le respect et la considération qui l’entouraient.
Nous sûmes bien plus tard son importance quand nous vîmes un jour sous un ciel bas et une pluie fine, les rues qui entouraient sa demeure, noires de monde, et le silence impressionnant
qui y régnait.
Avec beaucoup de précaution et de gentillesse notre père nous fit part de son décès la veille, et nous dit que les plus hautes personnalités françaises et musulmanes étaient venues rendre un dernier hommage avec la foule de fidèles, au plus grand chef religieux de toute la communauté juive du pays depuis ces dix dernières années.
Depuis ce jour, nous allions moins régulièrement rendre visite à son fils Moumou (futur Président du tribunal rabbinique de Tunisie), on nous laissait moins courir dans la vaste demeure, ni nous attarder à regarder avec curiosité la fameuse légion d’honneur avec son ruban écarlate qui lui avait été épinglée sur sa gandoura (étole) blanche immaculée couvrant ses vêtements à l’arabe, par le Résident général de France Mr Lucien Saint.
Cette décoration était toujours recouverte d’une petite cloche en verre et trônait sur un meuble
près de son divan.
Notre grand oncle était en fait le Grand Rabbin de Tunisie Moché Sitruk, et ses pairs du judaïsme tunisien aimaient l’honorer en ces termes : la lumière d’Israël, la couronne des Rabbinims, le diadème des Dayanims.
Tous les journaux ( le Petit Matin, la Dépêche Tunisienne) avaient publié de longs articles sur lui, sa famille, sa piété, sa vaste culture, sa grande compétence de la Halakha ( Règle religieuse), sa grande sagesse, sur les livres qu’il avait écrits, ses nombreuses ‘’responsa ‘’ aux questions posées par toutes les communautés du Maghreb.
Les quotidiens publièrent aussi sa photographie ( la seule qui existait ).
Ma mère s’empressa de la découper et de la mettre dans un cadre approprié, posé sur sa table de nuit.

Les années passèrent et nous quittâmes mon frère Albert et moi, sur notre demande insistante l’école de l’alliance israélite de la rue Malta Srira pour le Petit Lycée Carnot, et mes sœurs quittèrent l’école italienne, appelée l’Asilo, située rue de Rome pour l’école française Armand Fallières.
Ces écoles nous permirent peu à peu de nous éveiller à la langue française et de nous détacher de notre langue maternelle, le judéo-arabe. ( à laquelle un demi-siècle plus tard, j’avais été amené à m’intéresser pour montrer sa vitalité, la truculence de ses proverbes, et surtout de découvrir à mon tour qu’une grande partie des mots arabes que contenait le judéo-arabe n’était que des mots hébreux , attestés par le dernier dictionnaire franco-hébraïque Larousse (par exemple Mechmech ( abricots), Hanout (boutique), Rass (tête), Mezel ( chance), Kess (verre), Chekine (couteau), Nemala (fourmie), Tabel (épice), Limoun (citron), Foul (Fèves) etc..

Plusieurs autres années passèrent et au Grand Lycée Carnot, un Professeur de dessin Mr Picard avait l’habitude de demander à ses élèves de 3éme de ramener un dessin, une aquarelle, de leurs vacances trimestrielles.
Chacun d’entre nous ramenait le fruit de ses efforts picturaux, une vue du port de Tunis, une plage, un dessin des fortifications qui entouraient à cette époque la ville.
Le jour que j’avais fixé pour ce travail avait été contrarié par une pluie diluvienne inattendue, et je fus malgré moi, enfermé à la maison, à tourner en rond, lorsque le portait que ma mère avait encadré auquel je n’accordais jamais le moindre regard, se rappela à mon bon souvenir.
Et prenant une grande feuille de papier Canson à dessin, je me mis à le reproduire et m’y attardais tant et si bien que je pus une fois achevé, le remettre à notre professeur à la rentrée scolaire, en baragouinant pour dire : c’est un dessin de vieil arabe.
Il le regarda un moment et puis me demanda si c’était bien moi qui l’avait fait.
Oh, oui Monsieur répondis-je, et il déposa tranquillement le carton parmi les œuvres de mes camarades de classe.
D’autres années passèrent encore, et j’eu un jour la curiosité d’entrer au Lycée Carnot, dont la porte d’entrée venait d’être somptuairement rénovée, et mes pas m’amenèrent à sortir de l’école par le couloir menant au bureau du surveillant général Mr Figre, dit Le Tigre avec sa petite moustache noire à la Charlot et à la mèche descendante sur le front à la Hitler
Sur la gauche il y avait une salle d’attente avec des chaises métalliques, et sur les murs quelques dessins sous verre étaient accrochés .
En m’approchant j’eus la plus grande surprise de ma vie, une d’entre elles représentait un vieil homme portant une belle barbe blanche avec un couvre chef enturbanné, et enveloppé d’une majestueuse gandoura immaculée.
Je reconnus tout de suite mon dessin, et me suis souvenu des difficultés énormes que j’avais eu pour dessiner le nez vu de face.
Je suis resté tout tremblant de satisfaction et de reconnaissance envers le professeur de dessin de ma jeunesse, qui j’en suis sûr a du révéler des dons insoupçonnés parmi les chérubins fréquentant le Lycée Carnot.
En ce qui me concerne, mes copains de classe ou plus tard d’université me reconnaissaient certaines qualités de… caricaturiste.
Je ressortis du Lycée plus heureux qu’en y entrant, avec le secret espoir que quelques autres visiteurs avaient patienté dans cette salle d’attente, et regardé mon dessin et qu’ils pourraient me le signaler, un jour.

C.P.

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