Bienvenue

Ouvrez vous à l’espérance vous qui entrez dans ce blog !

Et ne vous croyez pas obligés d’être aussi puissants et percutants que Dante. Si vous avez eu plaisir à lire les lignes qui suivent et s’il vous est arrivé de passer d’agréables moments à vous remémorer des souvenirs personnels heureux de votre vie en Tunisie ; si vous éprouvez l’envie de les partager avec des amis plus ou moins proches, adressez les -- sous une forme écrite mais la voix sera peut-être bientôt aussi exploitable -- à l’adresse : jean.belaisch@wanadoo.fr et vous aurez au moins le contentement d’être lus à travers le monde grâce à l’internet et à ses tentacules.

Vous aurez peut-être aussi davantage c'est à dire que d’autres personnes, le plus souvent des amis qui ont vécu les mêmes moments viendront rapporter d’autres aspects de ces moments heureux et parfois corriger des défaillances de votre mémoire qui vous avaient fait prendre pour vérité ce qui était invention de votre cerveau émotionnel.

Ne soyez pas modestes, tout rappel peut être enrichissant, n’hésitez pas à utiliser votre propre vocabulaire, à manier l’humour ou le sérieux, les signes de richesse (y compris intellectuelle) ou les preuves de la pauvreté (y compris d’un moral oscillant). Vous avez toute liberté d’écrire à la condition que vous fassiez preuve de responsabilité puisque d’une façon ou d’une autre nous représentons tous un groupe de personnes qui a aimé la Tunisie et qui a pour d’innombrables raisons, choisi de vivre sur une autre terre.

Bienvenue donc et écrivez dès que vous en sentirez l’envie.


Un des responsables de ce qui pourrait aussi devenir un livre, si vous en éprouvez le désir !

REMARQUE : Les articles sont rangés par années et par mois .

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mercredi 17 juin 2009

HOMMAGE A MARIUS CHEMLA

MARIUS CHEMLA

Par un hasard, pas tout à fait complet, nous avons écrit le nom de Marius Chemla dans le rectangle vide de Google et nous avons eu la surprise et le plaisir de lire cet « hommage à Marius Chemla ». Nous nous sommes alors dit que si la rédaction du journal l’Actualité Chimique dans lequel l’hommage était paru, nous y autorisait il serait indispensable de placer ce texte dans notre blog-nostalgie.
Cet homme a été une des gloires de la Tunisie. C’est notre chance de l’avoir bien connu.

Marius était notre ami, un garçon hors du commun qui grâce à son prénom, évoque d’emblée le soleil, le rire, les jeux et la joie. Il nous avait impressionné en passant le premier bac dès la seconde ce qui lui avait permis de retrouver les garçons de son âge.En Math Elem, c’était un bon élève en physique comme en math. Il suivait les cours allégrement sans toutefois décrocher des notes mirifiques. Je ne me souviens pas s’il a eu une mention au bac. Il est vrai qu’à l’époque les examinateurs n’avaient pas l’habitude de sur coter les copies comme ils le font naturellement aujourd'hui.
En revanche, il s’est révélé à Alger au MPC (Mathématiques, Physique, Chimie) où avec quelques amis venus pour passer le PCB, nous nous étions également inscrits en MPC pour en faire plus. Le premier cours de mathématiques sur les nombres imaginaires ( si ma mémoire ne me trompe pas) m’avait assommé, je n’y avais strictement rien compris. Gilbert Sarfati, qui avait eu le prix d’excellence en math elem, avait l’air un peu déstabilisé et Marius lui était sorti de l’amphi, frais comme un gardon.
« Je ne comprends pas ce que vous pouvez n’avoir pas compris, c’est tout simple ». C’était si simple que je n’ai plus mis les pieds dans les cours de mathématiques à la magnifique fac d’Alger, alors que la physique et la chimie du MPC avec Berland et Savornin ne nous ont jamais posé de problème majeur.Pour moi, Marius vivait dans l’utopie. Je ne savais jamais s’il plaisantait ou s’il croyait dur comme fer au futur qu’il imaginait. Ses réflexions sur la politique, la philosophie, l’être humain étaient toujours originales et agréables à écouter, en tout cas, ne nous orientaient jamais sur des sentiers battus.
Un jour il nous a raconté qu’il était entré dans l’équipe de Frédéric Joliot Curie, qui trônait pour nous au sommet de l’Olympe de la Science et des Nobel, et nous nous demandions s’il y était entré comme grouillot ou dans le cercle des proches élus.
J’étais alors englué dans ma thèse de médecine qui rapportait les résultats d’une étude entreprise par l’ensemble du laboratoire mais dont j’étais le responsable, utilisant les isotopes du soufre pour explorer les mystères de l’activité ovarienne des cobayes. Une introduction sur les isotopes s’imposait et elle devait être écrite rapidement ; je me sentais incapable de la rédiger pour des raisons à la fois d’ignorance et temps pris par mes activités d’interne.
Marius, à qui j’en faisais part et à qui je demandais s’il pouvait m’aider, a accepté immédiatement et m’a rendu une semaine plus tard, un chapitre complet d’une telle clarté que j’en avais été félicité par un des membres du jury de ma thèse.
Combien d’amis ont rendu de pareils services, et avec en « étrennes » un sourire rayonnant! « C’était rien je t’assure ! »
Le reste de sa carrière est admirablement décrit dans l’hommage qui lui est rendu.
Les années s’écoulant, et nos activités se réduisant, nous avons eu le plaisir de nous rencontrer quelquefois pour des déjeuners de surgelés au cours desquels nous nous souvenions de nos Maitres VAUDET, Madame FERCHIOU, REBOUL et surtout il me racontait ses travaux dont l’originalité me passionnait. Il me disait par exemple à ma grande surprise qu’il avait remarqué que personne ne savait comment fonctionnent les piles électriques et qu’il avait initié des recherches sur ce thème. Qui d’autre que lui aurait pu penser à la nécessité de travaux aussi simples et compliqués.Si nos cartes à puces fonctionnent de mieux en mieux, et peuvent contenir de plus en plus d’informations, c’est aussi grâce à son imagination qui lui avait fait trouver le moyen de faire des couches de plus en plus minces et de plus en plus lisses de silicium.
Mais il racontait tout cela sans aucune vanité, non pas comme témoignant de ses brillantes qualités de chercheur, mais comme on décrit un paysage dans lequel un scientifique, quel qu’il soit, peut vagabonder.
D’apprendre un jour qu’il était atteint d’une grave maladie provoquée par l’amiante, nous avait tous chagrinés. Nos conversations, téléphoniques cette fois, étaient particulièrement attristantes parce que nous le voyions par les yeux de la pensée en l’écoutant respirer lourdement, décliner irrémédiablement.
Ce qui est sûr, c’est qu’il a laissé une trace ineffaçable et « minérale » de son passé.
Je suis quasiment persuadé que c’est la profession de son père, bijoutier, qui a conduit sa vie à travers les méandres de la chimie et de la physique. Il a cherché et est parvenu à ennoblir le travail de l’or et de l’argent par l’approfondissement des connaissances humaines sur le monde des métaux, dont il a montré qu’ils pouvaient tous être précieux !
Jean BELAISCH
Je dois dire que mes souvenirs concernant Marius datent de notre première année de Math Elem (44/45) et notre première année de Fac à Alger (45/46). Bien que je ne garde que des images fugitives de ce temps, il m'en reste une impression de gaieté, de lumière et de très grande amitié. En Math Elem, il m'avait ébloui par la pratique de ses "manips", qui lui permettait avec l'acide nitrique qu'il transportait en lourdes bonbonnes de l'appartement familial à la terrasse de l'immeuble, et un mélange de bijoux berbères en argent doré, de tirer de l'or ; c'est lui qui avait inventé la technique et chaque "manip" lui rapportait 5.000 francs de l'époque! Cela a été pour moi la première démonstration pratique d'un savoir théorique.
Nous avions formé à Alger une petit groupe de 3, Marius Jean et moi, nous travaillions ensemble et je me souviens du regard à la fois interrogatif et vaguement inquiet du groupe des élèves attendant l'entrée des cours en voyant arriver ces trois Tunisiens qui semblaient "en vouloir"! Je me souviens aussi de la désagréable impression d'incompréhension qui nous avait saisi Jean et moi à la suite du premier cours de Math Géné, alors que Marius semblait très content, mais sans pour autant pouvoir nous éclaircir la teneur du cours; c'est d'ailleurs un paradoxe qui m'avait toujours frappé chez Marius: il pouvait aussi bien expliquer un point difficile avec beaucoup de clarté, que d'énoncer une idée vague sur un problème, témoignant en fait d'une intuition qui n'était pas encore arrivée à son terme.
Les années suivantes je ne l'ai pas souvent vu; et bien plus tard, nous nous sommes rencontrés quelquefois avec un grand plaisir à Deauville, grâce à Yvan Abitbol; j'ai le souvenir d'un point particulier : il niait totalement, comme Claude Allègre qu'il y ait un problème quelconque avec l'amiante de Jussieu où il avait sa chaire.....Il devait en mourir!!
Gilbert SARFATI


Hommage à Marius Chemla (1927-2005)
68 l’actualité chimique - août-septembre 2005 - n° 289

C’est avec beaucoup d’émotion que nous avons appris la disparition du professeur Marius Chemla, survenue le 3 juillet 2005.
Nous souhaitons, par ces quelques mots, rendre hommage à la mémoire de celui qui vient d’être si rapidement enlevé à notre respectueuse amitié et à la profonde admiration de ses élèves.
Diplômé en 1949 de l’École Nationale Supérieure de Chimie de Paris, il a tout d’abord commencé sa carrière en tant que chercheur au CNRS et a soutenu sa thèse de doctorat ès sciences en 1954, sous la direction du professeur Joliot-Curie. Successivement nommé maître de conférences à la faculté d’Orsay en 1963, professeur sans chaire à Orsay en 1966 et professeur à la faculté de Paris en 1967, il y prend alors la direction du Laboratoire d’électrochimie, qui deviendra sous sa houlette une unité de recherche associée au CNRS.
Il n’est pas de notre propos de retracer ici exhaustivement la carrière si bien remplie de notre maître. C’est surtout ses éminentes qualités de cœur et d’esprit que nous aimerions évoquer.
En regardant le versant professionnel de sa personnalité,c’est évidemment sa vivacité d’esprit et sa persévérance qui émergent en premier. Ce sont d’ailleurs ces qualités qui, jointes à une grande culture scientifique, l’ont fait choisir, à l’âge d’à peine trente ans, par le professeur Frédéric Joliot-Curie pour diriger l’équipe de chimie nucléaire de son laboratoire au Collège de France. Nomination hautement méritée, car il s’illustre dans ce poste par la production du premier gramme d’isotopes séparés du lithium dans notre pays : résultat d’un travail acharné dans des conditions précaires dans les sous-sols du Collège, mais surtout résultat d’une intuition de génie qui lui a fait tenter une expérience, à l’encontre de toutes les idées reçues de l’époque, en séparant les isotopes sans séparer les éléments. Phénomène maintenant bien reconnu dans le monde scientifique sous le nom d’effet Chemla, phénomène sur lequel travaillent encore de nombreux chercheurs, certains ayant même consacré toute leur activité scientifique à cette étude. Ce phénomène est maintenant expliqué par les méthodes de simulation de la mécanique statistique, mais c’est lui qui en avait découvert l’existence et qui en avait proposé une explication quantitative qui s’est révélée pertinente.
Il aurait pu lui aussi rester dans ce domaine passionnant et, c’est là un autre aspect de sa personnalité, il aimait explorer de nouvelles voies et ouvrir de nouvelles perspectives. Certainement par vocation, mais aussi peut-être par sens du devoir pour dispenser à ses élèves un enseignement concret, valorisant et ouvrant sur de larges débouchés dans le domaine industriel. C’est ainsi qu’il a apporté une contribution importante à la préparation de l’aluminium et du fluor en résolvant des problèmes fondamentaux sur lesquels des équipes de recherche industrielle butaient depuis de nombreuses années. Nous évoquons très brièvement, et peut-être incomplètement, la liste de ses activités, depuis son intérêt pour la production d’isotopes séparés du bore et du lithium, le stockage de l’énergie, la protection des métaux, l’emploi des isotopes en chimie biologique et industrielle, jusqu’à ses récents travaux concernant l’électrochimie du silicium qu’il menait avec brio il y encore quelques mois.
Tous les étudiants qu’il a formés en électrochimie gardent de lui le souvenir d’un professeur remarquable, ayant toujours le souci de trouver l’exemple le plus approprié pour illustrer ses propos et de donner les applications industrielles qui en découlent. C’est certainement pourquoi nombre des anciens élèves de la formation doctorale qu’il a créée occupent aujourd’hui des postes clés, à la fois dans le domaine de la recherche académique, mais aussi dans le domaine de l’industrie. On dénombre même un général parmi eux...
Tout ce bouquet d’activités ne doit pas faire oublier ses qualités d’homme et de patron. Après le décès du professeur Joliot-Curie, il a dû, à son corps défendant, consacrer beaucoup de temps à de fastidieuses tâches administratives en se dévouant pour son équipe et, plus généralement, pour la communauté scientifique. On notera qu’il a été de nombreuses années directeur de l’UER de chimie physique de notre université, membre de nombreux conseils au sein de celle-ci. Au plan national, il fut membre du Comité national
du CNRS et du Conseil supérieur des universités.
Le professeur Chemla a toujours œuvré pour la promotion de l’électrochimie, notamment en organisant des congrès dédiés à cette discipline (Journées d’électrochimie en 1983, 3 International symposium on molten salts chemistry and technology en 1991), en créant, au sein de la Société Française de Chimie, le groupe Électrochimie, dont il fut le premier président.
Au cours de sa carrière, il reçut diverses distinctions :
Grand prix Pierre Süe de la SFC (1984), lauréat de
l’Académie des sciences (1987), chevalier de l’Ordre des
palmes académiques, chevalier de l’Ordre national du mérite.
Malgré la polyvalence de ses tâches, il restait proche du
travail expérimental, et il a toujours apporté par ses conseils
avisés et pertinents une importante contribution aux travaux
communs. Il avait en outre une grande capacité d’écoute et
une très large ouverture d’esprit. Quelle que soit parfois la
violence de l’orage des discussions, il n’en gardait nulle trace
de rancune, amenant ainsi l’interlocuteur à reconnaître ses
torts en son for intérieur et à repartir sur des bases apaisées.
C’était un homme de cœur sur lequel on pouvait compter.
En ces moments difficiles, nous pensons aussi à sa
femme, ses trois filles et ses neuf petits enfants et pleurons
avec eux la perte de celui qui les entourait de sollicitude et
d’affection. A ses enfants et petits enfants, nous disons qu’ils
ont eu un père et un grand-père dont ils peuvent être fiers.
Didier Devilliers, Frédéric Lantelme et Pierre Turq
UPMC Paris, Laboratoire LI2C (UMR 7612)
La SFC et la rédaction de L’Actualité Chimique s ’ a s s o c i e n t
à la peine de sa famille, de ses collègues et amis.

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