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Ne soyez pas modestes, tout rappel peut être enrichissant, n’hésitez pas à utiliser votre propre vocabulaire, à manier l’humour ou le sérieux, les signes de richesse (y compris intellectuelle) ou les preuves de la pauvreté (y compris d’un moral oscillant). Vous avez toute liberté d’écrire à la condition que vous fassiez preuve de responsabilité puisque d’une façon ou d’une autre nous représentons tous un groupe de personnes qui a aimé la Tunisie et qui a pour d’innombrables raisons, choisi de vivre sur une autre terre.

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mercredi 20 mai 2009

Mes musiques en Tunisie

Mes musiques en Tunisie

Robert Zittoun


La perception de musiques cohabitant comme des mondes séparés, des planètes différentes diffusant leurs ondes dans l’univers sensible, remonte à ma première enfance. La mémoire musicale de mes premières années est encore plus floue que celle des lieux et des scènes, mais par la suite, les univers culturels devaient s’affirmer dans leur plénitude. La musique arabe constituait un environnement planant sur la ville, sans pénétrer à la maison. La musique judéo-arabe, aux intonations semblables, mais plus proche, plus familière, y résidait de plain-pied; les prières et les airs de synagogue ont tissé un monde sonore, des chants et des airs familiers dès ma première enfance. Mais, les chansons, les airs français, et la musique occidentale m’ont aussi entouré et probablement pénétré dès l’origine, et ont pris une place croissante dans mon goût musical.

Comment ma mère, dont la langue maternelle était le judéo-arabe, mais qui, comme mon père, étudia à l’école française - si bien que ma langue maternelle fut le français- connaissait-elle toutes les berceuses françaises ? Qui les lui avait apprises ? Le fait est qu’elle m’endormait en chantant, entre autres, « Dodo Ninette, Sainte- Élisabeth endormez-moi cet enfant jusqu’à l’âge de quinze ans. Quinze ans sont vite passés, il est l’heure d’le marier. Dans une chambre, pleine d’amandes, un marteau pour les casser, et Robert pour les manger ». Comment, dans ce milieu juif traditionnel, où le catholicisme, avec ses saints et ses processions, était ressenti comme profondément étranger et quasiment idolâtre, Sainte-Élisabeth s’est-elle introduite dans des berceuses pour enfants ? Mystère, mais la tradition s’est instaurée, et par la suite, je chantais les mêmes berceuses pour endormir mes enfants et petits-enfants. Il me fut dit plus tard que ma mère avait appris le violon dans son enfance. J’appris aussi récemment de ma sœur Nicole, qui aime cultiver les mémoires généalogiques, que notre arrière grand-père maternel avait été musicien professionnel, joueur de Oud (son père aurait même été « musicien du bey »). C’est peut-être ce qui incita son fils, mon grand-père Victor, a faire donner des leçons de violon à ma mère, mais on sauta alors d’une culture à l’autre, de la musique orientale à l’occidentale. Le professeur de ma mère était un russe, circulant en ville en vélo, comme le fera plus tard mon propre professeur de piano. Quant à mon père, il aimait chanter et tambouriner différents rythmes sur les montants du lit quand il était allongé pour se reposer.

Le Oud est un instrument enchanteur, que je réécoutais encore avec inspiration il y a quelques jours lors d’un concert de « musique sans frontière » consacré à la musique judéo-andalouse. Le musicien de Oud, accompagné d’un percussionniste de Darbouka, le tambourin classique d’Afrique du Nord, jouait et chantait en arabe en même temps. C’est la partie instrumentale du Oud qui m’émeut le plus, avec ses singularités : tout d’abord le passage progressif et sans transition de la phase pendant laquelle le musicien accorde son instrument, cherchant sa tonalité, à l’entrée dans une musique qui semble toujours improvisée. Et aussi la fréquence, la longueur et l’inspiration des silences, meublés d’une musique intérieure. Enfin cette tendance propre au Oud de s’attarder parfois sur des séquences répétitives. J’avais amené à ce concert mes trois petits-enfants les plus âgés (16 ans à 8 ans)). Ils furent attentifs, mais apprécièrent je crois d’avantage la deuxième partie du concert, où, après une séquence de musique judéo-andalouse chantée en ladino, un jeune et beau guitariste joua avec verve les grands classiques de la musique espagnole, Albéniz, Granados, De Falla et autres.

Revenons à mon enfance. La musique arabe était principalement présente par ses rythmes. De très loin on entendait les percussions, avec les battements sombres et réguliers du tambour grave qui se portait en bandoulière, les sons plus aigus de la Darbouka, et le rythme insistant, obsédant de la plupart des airs arabes « Ta…..Tarara.Ta. Ta…..Ta ». Il y avait sans doute aussi comme fond sonore auquel on ne prêtait guère d’attention, l'appel des muezzins (mais à l’époque, ils n’utilisaient pas encore les haut-parleurs) et, d’une grande beauté par sa mélodie et surtout par ses silences étonnement longs, quand il nous était donné d'en entendre des bribes, la lecture du Coran, chanté par des voix a capella souvent aiguës.

Ma perception de la musique européenne passe, quant à elle, par l’école maternelle puis primaire. A l’une des fêtes de fin d’année de l’école primaire, je fus déguisé en tambour major, avec un de mes cousins du même âge et un autre enfant. La musique enregistrée chantait « Trois jeunes tambours s’en revenaient de guerre »…puis, un peu plus loin « Sire le roi, donnez-moi votre fille », puis, face au refus du roi : « Dans mon pays, y en a de plus jolies ». Une chanson assez proche, bien que sur un air différent, de « Malbrou s’en va-t’en guerre ». Nous ne pouvions savoir alors qu’il s’agissait de Malborough, et que ces chansons françaises se transmettaient de générations en générations depuis des siècles, de même que tout un répertoire que je chantais et jouais plus tard à ma petite-fille Hana: « Frère Jacques », « C’est la mère Michèle qui a perdu son chat », et surtout « Au clair de la lune, mon ami Pierrot ». Cette chanson, je m’en rendis compte bien plus tard, remontait à une époque bien antérieure à l’ère de l’électricité, puisque « Pierrot répondit… Va chez la voisine, je crois qu’elle y est, car dans sa cuisine, on bat le briquet ». Toutes ces chansons, nous les répétions sans même comprendre le sens des mots, mais leurs airs faisaient partie de notre environnement intime. Les valses viennoises constituaient aussi une partie de ce fond culturel. J'ai l'impression qu'on les entendait dans la cour de l'école primaire les jours de fête. En tout cas, mes parents devaient les danser, quand ils allaient parfois au bal le soir, me laissant seul, un peu inquiet et jaloux de leur élégance. De même qu'ils devaient danser le tango, mon père en particulier, car quand il était encore célibataire, avec ses amis et cousins, ils se retrouvaient dans des bals, au Grand Café Riche, ou sur des terrasses d'immeuble, à participer à des concours de danse, que l'oncle Simon remportait immanquablement. Je l'ai vu d'ailleurs moi-même plus tard, cet oncle, dans un de ces bals sur une terrasse une nuit d’été, dans la douceur du climat tunisien, faire des figures de tango incroyables, avec lesquelles j'aurais été bien incapable de rivaliser.

Les airs religieux, avant même qu’on me menât régulièrement à la synagogue, étaient chantés par mon père ou mon grand-père paternel, chez qui nous allions souvent le vendredi soir ou le samedi midi pour un repas de shabbat. La solennité du Kidouch était marquée par un air chanté avec force par le chef de famille. J'étais loin, pendant longtemps, de comprendre le sens des paroles en hébreu, mais l'air chanté, le même par mon père ou mon grand-père, avec cependant un timbre et des intonations de voix différentes entre l’un et l’autre, faisait percevoir un sentiment d'unité familiale et de présence, ici et maintenant, d'une tradition, d'un lien ancestral avec Dieu à qui on s'adressait en le tutoyant: Baroukh Ata Adonaï, « Sois béni, Toi, Eternel ». La solennité devenait encore plus grande et joyeuse les veilles de fêtes. L'air du Kidouch, et celui chanté aussitôt après, (« Chehyanou ») où l’on remercie Dieu de nous avoir fait vivre jusqu’à cet instant présent, beau à pleurer, - et effectivement il arrivait que celui qui prononçait la prière se mette à pleurer -, imposaient le silence. On m'amenait parfois, le lendemain, à la synagogue. Certaines prières étaient chantées en chœur par l'ensemble des fidèles, d'autres, des psaumes en particulier, psalmodiées par l'un ou l'autre dans le recueillement. Il y avait aussi la joie des Seders de Pessah, Pâques. Nous étions nombreux chez mes grands-parents, accoudés autour d’une table basse. On faisait tourner d’abord au dessus de nos têtes le « Chichtou », plateau contenant les ingrédients de Pâques - dont on allait ensuite se délecter en trempant les herbes amères dans le Hrousout, sauce au vin douce et épicée -, en chantant : « Etmoul ayenou avadim… » (Hier nous étions esclaves, aujourd’hui libres, aujourd’hui ici, l’an prochain en terre d’Israël). Puis venait la lecture de la Haggadah, le récit pascal de la sortie d’Egypte, Ha Lahma Anya, puis Ma Nichtena. Je fus préparé par la suite à cette lecture chantée par mon grand-père Braïtou, m’apprenant des airs que je pus continuer à chanter, après mon père, chaque année à Pessah.

Les airs et paroles qui ont ainsi imprégné ma première enfance, je ne pus jamais les oublier. Ils avaient, bien sûr, des intonations judéo-arabes, donc des similitudes avec les airs arabes que l'on percevait à distance, comme un fond musical environnemental. Leurs intonations les écartaient non seulement des tonalités européennes, mais présentaient des spécificités propres au pays et à la ville, avec des nuances d'une ville à l'autre, ou d'un pays d’Afrique du Nord à l'autre. C'est ce qui éveillera plus tard notre nostalgie, et nous faisait nous sentir étrangers quand les mêmes prières, avec les mêmes paroles, étaient chantées, mais avec des variations à certains moments, dans d'autres lieux, d’autres villes que notre Bizerte natal, et, bien plus encore, en France où on se sentait un peu étrangers. A contrario, on se sentait heureux lorsque, à l'occasion, on retrouvait les airs de son enfance. Chaque rabbin avait sa façon de chanter, sa propre scansion, sa respiration, son grain de voix, et son port quand il était à la Bima. Récemment, je fis la connaissance au cours d'un déjeuner amical de notre association des juifs originaires de Bizerte, de la fille du rabbin Lalou Aboujdid, un des trois ou quatre rabbins de notre communauté, une grande figure au demeurant, alliant un goût pour la Boukha, et disait-on un mysticisme lié à sa fréquentation de la kabbale, ce qui aurait expliqué ses fantaisies, son grain de folie. Je racontais à sa fille, selon un souvenir vivace en moi soixante cinq ans plus tard, comment, quand son père priait, il se tenait très droit, avec la jambe droite en hyperextension agitée de petits mouvements nerveux d'avant en arrière. Ce mouvement de jambe, que j'imitais devant elle, s'associait dans ma mémoire à sa voix forte et claire, imposant silence, respect et recueillement.

Mais ces musiques qui ont imprégné mon enfance ne se limitaient pas aux chansons françaises pour enfants et aux airs religieux. Il y avait aussi un environnement sonore qui semblait provenir directement de l'Afrique profonde, avec des noirs masqués et déguisés, faisant des tournées dans les rues sans doute pour gagner quelques sous, et qui dansaient en agitant petites cymbales et clochettes sur un rythme entêtant (Atchik tchika, Atchoum bali). On les appelait les Bouchadia, et nos parents nous menaçaient de leur venue, et qu'ils nous emporteraient si nous n'étions pas sages. Il y avait aussi les orchestres judéo-arabes, bien proches de la musique populaire tunisienne, qui venaient parfois dans les maisons pour des fêtes, de grandes occasions, par exemple lors de la guérison après une maladie. Tambours, binious, flûtes aiguës, chants, tout cela m'impressionnait fort et me faisait même un peu peur. D'autres airs étaient plus joyeux, entraînants, souvent ponctués de youyous, et ce n'est que bien plus tard que je découvris qu'il s'agissait en fait, pour l’un d’entre eux, d'une musique d'origine turque qui avait dû faire le tour de la Méditerranée, adoptée et traduite par chaque communauté, et servant à chanter, dans notre cas, des chants de joie à l'occasion de fêtes et de célébrations juives. Enfin, chez mon grand-père maternel, j'entendais souvent à la radio des musiques plutôt arabo-andalouses, et le Oud à nouveau, si bien que lorsque plus tard je découvris et appris à aimer « Asturias » d'Albéniz, joué justement dans ce concert à Paris récemment devant mes petits-enfants, qui le reconnurent aussitôt, je retrouvais un fonds familial intime.

Nous habitions, dans un immeuble relativement récent, un rez-de-chaussée surélevé. Ceci nous permettait d'observer les passants, et de nous laisser pénétrer par les bruits de la rue. En face de chez nous, un peu en oblique, il y avait une grande place, à la limite entre la nouvelle ville, européenne, et la ville arabe avec en bordure, entre les deux, le quartier juif. J'assistais parfois au passage sous nos fenêtres d'un enterrement arabe. Quatre hommes, que d’autres relayaient, portaient un genre de brancard à ridelles dans lequel reposait le corps, recouvert d'une couverture. Derrière, un cortège d'hommes chantaient une mélopée répétitive, deux phrases de dix pieds dont les paroles restent encore pour moi une énigme: Alala Elala haha ilalala ha, puis les mêmes paroles une deuxième fois, la première avec une chute plutôt plaintive, la seconde résignée. En y repensant maintenant, c'était peut être, ainsi chantée, la profession de foi musulmane: il n'y a de Dieu (Allah) que Dieu (Allah). Mais où allaient-ils ainsi, je me le demande aujourd'hui ? Leur direction n'était pas un quartier arabe, ni même un de ces cimetières musulmans que je découvris plus tard, en dehors des murs de la ville, du côté arabe, au nord, vers le Fort des Andalous. Ils se dirigeaient plutôt au sud vers le canal qui bordait la ville européenne, un grand canal menant de la mer vers le grand lac de Bizerte. Allaient-ils, avec le mort, prendre le bac et passer sur l'autre rive, vers cette banlieue arabe, Zarzouna, qu'on voyait de loin avec ses minarets? Était-ce comme un passage du Styx ?

Mais on voyait aussi par la fenêtre des scènes plus joyeuses. Par exemple, lors de la fête musulmane de l'Aïd, des calèches bariolées, chargées à l'extrême d'enfants (des filles surtout, très fardées et apprêtées) qui chantaient sans cesse d'un air joyeux « Amchina ou jina », puis une deuxième phrase que je ne comprenais pas. La première voulait dire: « Nous sommes parties et revenues » ce qui correspondait bien à ce va-et-vient incessant et gai. Il y avait aussi la musique arabe, le plus souvent chantée, que l'on entendait à longueur d'année déversée par les haut-parleurs des cafés voisins sur les trottoirs et le terre-plein de l'autre côté de la place. Je n'aimais pas trop ces voix qui semblaient ressasser inlassablement leurs mélodies, sur une tonalité bien différente de la tonalité européenne à laquelle nos oreilles étaient déjà accoutumées. Il y avait cependant des chanteurs célèbres, tels Abdelwahab et Farid El Atrach, que l'on voyait parfois à l'envers de l'écran, quand il y avait sur la place des projections publiques de films égyptiens. Dans un style oriental, chamarré et baroque, ces films présentaient des similitudes avec le cinéma hollywoodien, montrant, jouées par des acteurs jeunes et beaux, les mêmes scènes d'amour chaste, bien artificielles, parsemées de chants avec accompagnement d'orchestre oriental constitué principalement de nombreux violons.

Notre univers sonore était surtout imprégné de musique européenne. Je ne me souviens plus comment dans cette période d'avant-guerre où on commençait juste à avoir des radios, certains airs se sont imposés à nous, les enfants, et nous les reprenions parfois en chœur. L'air du Toréador du Carmen de Bizet avait en particulier un grand succès. Une fois même, et ce fut sans doute pour moi un événement, malgré mon âge précoce, on m'amena à un concert de musique européenne en plein air, dans un espace proche de chez nous. Le seul souvenir que j'ai gardé de cette première expérience symphonique est celui d'une grande fête, où le cadre – un grand jardin – comptait autant que ce que j'ai pu entendre. Pour être complet, il faut parler des revues militaires, fréquentes à Bizerte, ville de garnison. Nous nous massions le long d'une grande avenue en bord de plage. Les troupes défilaient aux sons des clairons et tambours. Tous ces airs militaires, scandant les pas des soldats, me sont restés définitivement familiers, bien que je ne les entende plus guère.

La guerre apporta des airs et des rythmes différents. D'abord les élèves des écoles italiennes qui défilaient en chantant des chants fascistes: « Giovinezza, Giovinezza... ». Puis, après le débarquement des alliés en Algérie, vint l'occupation allemande, qui heureusement ne dura que six mois, de novembre 1942 à mai 1943. On voyait défiler les troupes avec de grands bruits de bottes, en marche saccadée et affirmée. Ils chantaient en chœur en particulier « Haïdi Haïdo », (ou « Haïli, Haïlo », ou quelque chose d'approchant ?), un air martial, jeune, impressionnant, scandant la marche. Comme l'occupation est associée dans ma mémoire, dès alors, aux rafles des juifs à travers les terrasses la nuit, pour les emmener dans les camps de travail forcé, et plus tard, après la libération, aux premières photographies des camps de concentration, et de ce que l'on appela plus tard la Shoah, j'eus par la suite ce chant en horreur. Aussi ai-je eu le plus grand mal à l'entendre chanté un soir, de la bouche d'un jeune allemand, lors d'une traversée en bateau de Marseille vers Israël.

La libération fut au contraire un débordement de joie et de rythmes: les soldats alliés, anglais et américains, arrivaient avec le jazz, et le swing. C'était l'époque où j'assistais – de loin le plus souvent – aux premiers bals et « surprises-parties ». On entendait chanter, jusque tard dans la nuit: « Alouette, gentille alouette... ». Mais nous invitions aussi des militaires musiciens à domicile; je ne sais plus bien sur quels instruments ils jouaient. Bref, l'ambiance était heureuse, hollywoodienne, la guerre déjà oubliée, alors qu'elle se prolongerait en Europe, avec ses horreurs, encore plus de deux ans.

L'époque 1943-45 (nous étions encore réfugiés à Tunis, ayant fui Bizerte intensément bombardée dès novembre 1942) fut aussi associée à tout un ensemble de chants sionistes en hébreu. Ma mère m’avait, en effet, dès la libération, fait adhérer à un mouvement sioniste, qui m'inculqua, en réaction à l'antisémitisme, la fierté d'être juif et le droit de se défendre plutôt que de plier l'échine sous la haine et la persécution. Je ne comprenais pas bien le sens de ces chansons en hébreu, mais elles étaient gaies et entraînantes. Il y avait bien sûr la Hatikva, que l'on chantait lors de la levée du drapeau et dans les grandes occasions, avec quelques différences dans les paroles par rapport à celles finalement retenues pour l'hymne national israélien. Mais aussi des airs plus intimes que l'on chantait ou écoutait autour du feu, pendant les camps dans la forêt de montagne à Aïn-Draham. Les filles, plus âgées, que l'on regardait du coin de l'œil, apportaient une discrète touche intime, affectueuse et érotique. Ces chants ont voulu amener une génération à l'héroïsme – d'ailleurs, un des membres de notre mouvement, plus âgé, partit vers 1946 illégalement en Palestine, et mourut au combat contre l'occupant anglais -. A l'époque, l'Irgoun, dans son combat armé contre les soldats britanniques et les ennemis arabes, apparaissait comme le mouvement naturel de résistance des juifs contre des adversaires, et aussi bien contre les ennemis mortels, les nazis, puisque une des héroïnes dont on célébra les hauts faits, Hannah Szenes, fut torturée et exécutée par les allemands après un parachutage en Yougoslavie pour tenter de sauver les juifs de Hongrie. Le mouvement militant pour la création d'un état juif indépendant se termina peu après la proclamation en 1948 de l'État d'Israël, dans une partie qui nous parut étriquée de la Palestine historique dont nous rêvions. Ces chants scouts du Bétar, je ne les retrouverais que beaucoup plus tard, un soir de Pâques à Paris, au restaurant de la rue Médicis, quand un des convives, d'à peu près mon âge, et qui faisait comme moi des études de médecine, se mit à les chanter, avec conviction et entrain.

Ma première vraie expérience de musique classique se situe peu après la libération de Tunis. Mes grands parents maternels habitaient depuis l'évacuation de Bizerte dans un réduit minuscule et sombre, rue de Marseille, au fond d'une cour, mais en plein centre ville. Tout à côté, dans une vaste galerie, il y avait le cinéma Colisée avec une grande salle comme on en faisait à l'époque. On y donnait Fantasia, le film de Walt Disney, donc des dessins animés qui ne pouvaient que plaire à un enfant qui avait déjà une grande culture de Disney. Je pus y aller seul. Les saynètes étaient vives, amusantes, bien faites. Surtout, elles illustraient parfaitement les pièces musicales, dont je m'imprégnais: L'apprenti sorcier de Paul Dukas, Une nuit sur le mont chauve de Moussorgski, La ronde des heures de Ponchielli, et tant d'autres. La musique symphonique était parfaitement intégrée aux péripéties et aux mouvements des personnages avec une harmonie donnée à percevoir de façon directe, immédiate, à un public enfantin et inculte.

Rentré à Bizerte, en 1945, alors que je poursuivais mes études secondaires, en 4ème à l'époque, je pris l'habitude d'écouter la radio la nuit. Les postes de l'époque, avaient de gros boutons que l'on tournait pour changer de longueur d'ondes. On écoutait Radio Tunis, dont l’indicatif, je l'appris plus tard, était le fragment d'une escale de la pièce symphonique du même nom de Jacques Ibert, compositeur trop méconnu. Sauf que de ces escales musicales en Méditerranée, c'est une escale dans un port d'Espagne qui avait été choisi par radio Tunis ! Mais ce n’était pas trop grave, puisque nous restions en Méditerranée. Je parcourais ensuite seul, le soir, le monde des stations de radio, et souvent, je tombais au hasard sur un concert. L'acoustique ne devait pas être très bonne, mais malgré le crachotement du poste, je percevais les sonorités, les harmonies, le rythme, le mouvement. Mes premières découvertes de Bach, Mozart, et Beethoven doivent dater de cette époque. Mon amour pour ces compositeurs et leurs œuvres, la certitude que j'acquis peu après qu'ils étaient les vrais dieux de la musique, remontent à cette époque. Je fus aidé pour acquérir ce goût par un copain proche, Jo, qui avait déjà une certaine culture musicale, et me fit comprendre par exemple que la complexité contrapuntique de Bach, s'élevant en un monument de pureté, faisait penser aux beautés des cathédrales (dont j'ignorais tout pourtant). Mais je fus aidé surtout, dans mon apprentissage, par les concerts des Jeunesses Musicales de France, qui tournaient dans toutes les villes de Tunisie, avec un public nombreux et attentif. Ces concerts des JMF représentèrent une œuvre pédagogique immense, dont je ne suis pas sûr qu'elle ait été poursuivie, avec la même qualité de présentations et d'exécutions, pour les jeunes de notre temps. J’assistais aussi parfois à des tournées de chanteurs plus ou moins célèbres. C'est ainsi que j'ai vu un jour de près, à l'entrée du cinéma Colisée de Bizerte, avant qu'il entre dans la salle pour son tour de chant, Charles Trenet, le fou chantant. Nos voisins d'en face, habitant comme nous au rez-de-chaussée, avaient pour leur part une affection particulière pour Edith Piaf, dont les chants traversaient la rue jusqu'à nous. Je ne l'aimais pas trop à l'époque, lui trouvant une voix trop réaliste et un peu vulgaire. Cette voix prenait aux tripes, et je faisais peut-être une collusion entre ses intonations, et le métier de sage-femme de la voisine, un métier qui la mettait au contact des réalités féminines les plus intimes.

Assez vite, je fus pris d'un désir irrépressible de jouer moi-même d'un instrument. J'eus du mal à convaincre mon père, qui tenait les cordons d'une bourse modeste. Un jour, à un déjeuner de shabbat midi chez mes grands-parents paternels, alors que mon père et moi étions attablés avec mes grands-parents autour d'une table ronde magnifique, avec des hors d'œuvre colorés en attendant la rituelle et toujours délicieuse T'fina camoun de ma grand-mère H'nina, je repris la discussion, et pour vaincre la résistance de mon père, je pris mon grand-père Braïtou à témoin. J'obtins finalement gain de cause...en profitant du décès d'un voisin ! Son épouse, une femme grassouillette et toujours bien mise et fardée, avait un piano dont elle ne pouvait plus jouer durant son veuvage. Les deuils à l'époque étaient marqués par toute un ensemble de conventions sociales, telles que la tenue noire – pour les hommes souvent réduite à un simple brassard noir – et l'abstention de musique jouée ou écoutée! Le piano fut donc transporté chez nous. Il fallait maintenant trouver un professeur. Mon ami Jo avait comme professeur de piano une certaine Madame Plotto. Ce fut elle.

Madame Plotto faisait partie de cette petite colonie de russes blancs qui avaient fui la révolution soviétique, emmenés par une escadre, et qui se retrouvèrent finalement dans différents ports de la Méditerranée, dont Bizerte. J’ai su plus tard, en feuilletant les archives d'une chambre de garde à l'hôpital Sidi-Abdallah, proche de Bizerte, que l'escadre avait été maintenue en quarantaine du fait d'une épidémie de choléra ou de typhus à bord, avant d'être autorisée à débarquer. La petite colonie russe, dont beaucoup étaient des nobles de l'époque tsariste, vécut petitement. Beaucoup étaient musiciens, et jouaient ou enseignaient la musique. C'était le cas de Madame Plotto. Elle vivait dans un petit logement d'une pièce, au centre de la ville européenne, avec, dans un coin de la pièce, une icône. Elle était, je crois, comtesse. Pendant ses leçons, elle recevait parfois la visite d'amis. Souvent c'était un vieux monsieur, qui lui faisait un baisemain en s'inclinant. Leurs échanges étaient discrets, en russe, pendant que la leçon se déroulait avec attention. Je croisais aussi parfois Madame Plotto en ville. C'était une femme grande et maigre, elle circulait toujours en vélo. Elle fut pour moi un grand professeur, je lui dois tout. Si je joue encore maintenant des sonates de Mozart – en y trouvant un immense plaisir, approchant leur beauté et leur grâce quand je les joue tant bien que mal, plus encore que quand je les entends sous les doigts d’un célèbre interprète -, c'est à elle que je le dois. J’y mettais aussi sérieux et application, et peut-être un certain talent, quoique je sois très loin de l'oreille absolue et reste bien incapable de jouer par cœur sans partition. Il y eut aussi un effet d'entraînement de mon ami Jo, qui avait commencé le piano avec Madame Plotto bien avant moi, et jouait déjà très bien certaines pièces de Chopin. Il prenait, sur son piano à queue, un air inspiré, et il lui arrivait de prétendre improviser, ce qui de fait correspondait à un déluge de notes sous ses doigts petits et nerveux.

J'eus droit, avec Madame Plotto, à un enseignement rigoureux qui me permit très vite de jouer certaines pièces, les rudiments de solfège étant enseignés et appris presque intuitivement, à partir de règles simples sur les hauteurs et durées des notes. La base de ma progression fut « Les classiques favoris du piano ». Mes progrès furent rapides, puisque, dès la troisième année, j'étais parvenu au 5ème volume. Cela me permit de faire connaissance avec tous les grands compositeurs classiques: non seulement Bach, Mozart, et Beethoven, mais aussi Haydn, Haendel, Rameau, Couperin, et les romantiques, Schubert, Schumann, Chopin, Field etc. Ces pièces que je jouais tous les jours en les répétant avec le moins de fautes possibles pendant mes leçons, m'apportaient un plaisir immense. Une fois, je me souviens, j'avais eu une forte grippe, avec beaucoup de fièvre, qui me bloqua dans ma chambre quelques jours. Outre les soins traditionnels de ma mère (cataplasmes, ventouses etc.) mon principal soutien fut une pièce de Haendel que je venais d'apprendre. Encore aujourd'hui, cette pièce est associée chez moi à la maladie et la convalescence.

Madame Plotto avait une force pédagogique extraordinaire, pour stimuler non seulement l'apprentissage du piano, mais le goût de la musique. Une fois, par exemple, on avait annoncé à Bizerte le récital d'un pianiste qui allait interpréter, entre autres, la Sonate Pathétique de Beethoven. Madame Plotto me proposa d'apprendre le mouvement lent, et j'arrivais assez bien, je crois, avant le récital, à jouer cet adagio cantabile. Le plaisir de l'entendre sous les doigts d'un professionnel en fut considérablement accru, car je reconnaissais chaque note, chaque nuance. Le répertoire auquel madame Plotto me donnait accès ne s'arrêtait d'ailleurs pas aux grands classiques. Ou du moins ces classiques allaient jusqu'à Debussy: tandis que mon copain Jo interprétait les arabesques, elle me donna à jouer la Cathédrale d'Ys, cette pièce sombre et grave où l'on « voit » la cathédrale s'enfoncer dans les flots, et je crois que je m'en sortis pas trop mal. J'appris ainsi en tout cas à aimer Debussy, premier pas vers les musiques contemporaines. Il y eut aussi une pièce d’Albéniz, je ne me souvins plus bien laquelle, qui évoquait le balancement des palmes, rythme naturel en pays méditerranéen. Madame Plotto jouait elle-même rarement. Elle aimait parfois, cependant, prendre la place de l’élève et interpréter, pour montrer les capacités du registre pianistique, la Campanella de Liszt, pièce que je réécoutais par hasard récemment. Je la revois avec ses avant-bras maigres et ses doigts longs passer avec quelle agilité, faisant des allers et retours, au dessus du clavier, des notes graves aux aiguës et des aiguës aux graves

Malheureusement, après trois ans, ce qui était quand même assez long, le veuvage de la voisine prit fin, le piano fut repris, et j'en fus privé, ainsi que des cours de Madame Plotto, qui se désolait. Elle fit même des propositions pour m'aider à continuer, qui ne furent pas retenues. Je n'osais plus lui parler quand je la croisais sur son vélo, et je n'ai plus entendu parler d'elle depuis que j'ai quitté Bizerte. J'aurais tant aimé lui exprimer ma reconnaissance, lui dire tout ce que je lui devais. Elle est morte sûrement maintenant, et seule son âme pourrait percevoir ce sentiment que j'éprouve envers elle, et ce qu'elle m'a donné, comme je l'éprouve envers Monsieur Gommeaux, mon professeur de lettres classiques au Collège Stephen Pichon, qui nous a fait aimer la chaleur des grecs, entrer directement dans l'univers d'Homère, et découvrir la littérature moderne, en particulier Stephan Zweig dont il nous lut une nouvelle, une fois en fin d'année. Un ami d'ailleurs m'a transmis récemment une photo de classe, où je le retrouvais, avec le même aspect physique que je lui ai connu il y a soixante ans, un homme grand, un peu penché en avant, timide. Je n'eus plus comme ressource, pour jouer de temps en temps, que d'utiliser le piano du Collège aux heures de récréation, jouant - mal, et sans plus aucun progrès dès lors -, et mal à l'aise comme si je faisais quelque chose d'interdit et de subreptice. La dernière pièce que je me rappelle avoir ainsi joué, dans cette salle claire et lumineuse, mais trop passante, fut un impromptu de Schubert.

L’année du PCB à Tunis, (préparations aux études médicales, à l’Institut des Hautes Etudes) fut particulièrement dure : beaucoup de travail, des études scientifiques auxquelles mon année de philo ne m’avait guère préparé. Mes parents m’avaient loué une chambre dans l’appartement d’une dame dont le mari, médecin, était décédé. Son fils faisait lui-même des études de médecine en France. Deux autres jeunes hommes, plus âgés que moi, avaient également loué des chambres dans cet appartement, assez grand, dans une rue du quartier juif qui plus loin, aboutissait à la Hara, le ghetto juif. Ces colocataires étaient des israéliens, envoyés par l’Agence juive pour aider à l’immigration de jeunes défavorisés en Israël. Ils étaient tous deux sionistes de gauche, mais l’un plutôt tendance Mapaï (Ben Gourion), l’autre plus à gauche, marxiste tendance Mapam. Ils avaient des discussions sérieuses et acharnées sur la possibilité de transmission des caractères acquis, théorie prisée par les marxistes. Nous venions de vivre l’époque où Lyssenko et l’idéologie soviétique officielle, par cette théorie lamarckienne, rejetaient la génétique moderne de Mendel et faisaient prendre un retard de plusieurs décades à la science russe. Pour ma part, tout en goûtant leur compagnie, je m’intéressais d’avantage au piano du séjour. Une fois de plus, grâce à une veuve, je pus retrouver mon plaisir favori et refaire une partie du retard après quelques années d’interruption.

Les bruits de la rue étaient cependant bien différents. Non loin de là se postait tous les jours un vieux mendiant juif qui demandait l’aumône en répétant inlassablement : « Sdaka fi sdaka » (qu’on peut traduire par justice par la charité, le même mot d’hébreu, tsedaka, signifiant les deux). On entendait aussi les rires des prostituées se dirigeant vers leur quartier de Sid Abdel Aguèche, et parfois les bruits de disputes en judéo-arabe. Avec mes nouveaux amis du PCB, toute une promotion qui allait suivre ensuite le même cursus d’études de médecine, se retrouvant plus tard à la Cité Universitaire de Paris, ce fut une autre paire de manches : l’un d’entre eux, Claude Sultan, mon futur beau-frère, disposait d’une grande cave où nous nous retrouvions pour des surprises-parties. Il y avait aussi les monômes, où nous défilions dans les rues de Tunis, en blouses et déguisés, agitant des fémurs, et chantant à tue-tête des chants de carabins.

Mais pour moi, la plus grande joie, la vraie compensation par rapport à cette première année difficile de séparation d’avec mes parents et d’études intensives fut le Théâtre Municipal de Tunis, pour ses opéras et ses concerts. Mon goût n’était pas encore très formé pour les premiers, et j’aimais bien le Faust de Gounod. Je trouvais surtout du plaisir à entendre la Belle de Cadix chantée par Luis Mariano (Tchik Atchik Atchik Ayaya). Mais les concerts étaient nombreux et riches d’émotions artistiques. Nous avions en fait des programmes exceptionnels. J’ai eu la chance d’écouter une fois Yehudi Menuhin interprétant le concerto pour violon de Beethoven. Il était jeune, beau, se tenait droit, et jouait avec une étonnante sobriété de mouvements. La beauté et l’émotion à l’état pur. Une autre fois, ce fut un concert avec une pièce de Messiaen – eh oui, Messiaen – avec Yvonne Loriot aux ondes Martenot. Je sus dès cette époque, quitte à surprendre mes amis, distinguer empiriquement dans la musique contemporaine ce qui avait du goût et de la profondeur. Messiaen était à l’époque jeune et productif. Je savais qu’à Paris, il improvisait tous les dimanches en l’église de la Trinité, mais quand j’arrivais à Paris, un an plus tard, je ne franchis jamais le seuil de l’église.

Plus tard, lors de mon retour en Tunisie à la fin de mes études pour mon service militaire, je constituais ma collection de disques : on venait de passer aux 33 tours, et j’eus rapidement un nombre important de disques couvrant une bonne partie du répertoire, depuis les classiques jusqu’aux modernes du 20ème siècle, Prokofiev et Bartók en particulier. Je découvris et adorais le concerto pour violon de Bartók interprété par Yehudi Menuhin. Ecouter ces disques représentait ma principale distraction. Ce fut même la seule les fois où nous étions consignés dans nos quartiers, par exemple pendant quelques semaines à la suite du bombardement par l’armée française, en pleine guerre d’Algérie, de Sakiet-Sidi-Yousef. Cela me permit de respirer avec les lieds de Schubert chantées par Elisabeth Schwartzkopf, dont j’appris chaque nuance. Plus tard je terminais mon service militaire comme médecin embarqué dans un escorteur d’escadre et faisant le tour des ports de Méditerranée. Je restais souvent au carré des officiers, faisant le quatrième au bridge, pendant que les autres joueurs alternaient selon les moments où ils étaient libres ou de quart. Mon musicien préféré à l’époque fut Ravel, et en particulier les deux concertos pour pianos. C’est en les écoutant que je revins un jour à Bizerte, lors d’une escale. La Tunisie n’était déjà plus mon pays. Je ne devais y retourner que comme touriste, et, plus tard, pour essayer de préserver et restaurer les vestiges dévastés du cimetière juif de Bizerte.

Musique, soleil, eau bleue, toutes les cultures de mon enfance noyée dans ce paysage et ces sonorités. Mariage étonnant du religieux et de l’art, de l’orient et de l’occident, des tonalités et des scansions, de la lumière et de la musique, toute une richesse mémorielle et renouvelée qui allait m’accompagner toute ma vie.

Le 17 mai 2009
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